Reprenons là où notre précédent épisode nous avait laissé... C'est à dire à "Opération tonnerre" (1961), roman dans lequel la séduction de James Bond est toujours aussi efficace. Sa partenaire du moment est une ravissante italienne Dominetta Vitali (Domino pour les intimes), qui sert de maîtresse au magnétique Emilio Largo sans savoir qu'il est responsable de la mort de son frère. Désoeuvrée à Nassau, Domino va partager des parties de natation avec James Bond avant d'accepter ses faveurs. Dotée d'un tempérament bien trempé, elle a l'honneur insigne d'assassiner le méchant alors que Bond lui-même voit sa chance tourner. Néanmoins dans le film de Terence Young, l'agent est entouré de trois autres jolies filles : la brune Paula, une espionne aux allures de mannequin qui finit tuée par la bande des méchants; la rousse Fiona, une complice de Largo qui refuse le sort de Pussy Galore et ne laisse pas le charme de Bond empiéter sur sa position de vilaine fille; et la blonde Patricia, séduisante infirmière qui aurait bien aimé le garder plus longtemps... Quand à Domino, elle est francisée afin de prendre les traits de Claudine Auger.
Dans "Motel 007" (1962), le rôle principal est cette fois tenu par une femme, la canadienne Vivienne Michel. Bond passe lui au second plan : il n'intervient qu'à mi-chemin du roman, plus ou moins par hasard. Et la narration étant assurée par Vivienne, ne bénéficie jamais de la focalisation interne à laquelle nous avait habitué Ian Fleming. Michel n'est décidément pas la compagne la plus inoubliable de l'agent secret : le récit de ses déboires amoureux, servi par une psychologie naïve, peine à lui donner une quelconque profondeur. Face aux gangsters qui assiègent son motel, elle n'est pas aussi téméraire que Tiffany Case ou Honey Rider et raisonne davantage. En définitive, ce bizarre roman féminin (!) apparaît plus comme le récit du fantasme d'une hôtelière que d'une aventure en règle de James Bond.
Autre changement de style dans l'opus suivant, "Au service secret de sa majesté" : certes James, parti en mission dans un sanatorium alpin, croise une vingtaine de jeunes et jolies femmes qui ne tardent pas à craquer pour lui (voir photo du film ci-dessus). Mais son coeur est ailleurs. Il vient en effet de rencontrer celle qui deviendra sa future épouse, Teresa Di Vincenzo, dite Tracy. Fille unique d'un mafieux bienveillant, Tracy marquera la vie de l'agent secret comme personne. Il la voit d'abord pour tenter de réconforter cette jeune femme dépressive et proche du suicide mais ne tardera à connaître à son égard des sentiments très profonds : "Elle possède tout ce que j'ai toujours désiré chez une femme" conclut-il à un moment du livre. Malheureusement, le mariage de James et Tracy sera bref : avide de vengeance, Blofeld organise un attentat sur la voiture des jeunes mariés. Et quelques heures à peine après la cérémonie, notre héros se retrouve veuf. Cet épilogue étonnamment mélancolique dans la carrière littéraire de Fleming est le prélude d'une période de dépression pour James Bond.
En effet, au début d'"On ne vit que deux fois", James Bond est une épave. Alcoolique, cynique, il traîne son désoeuvrement entre les murs de Regent's Park et semble avoir, pour une fois, renoncé à la compagnie féminine. Il faudra l'ordre impérieux de "M" et une mission tarabiscotée au Japon pour le remettre sur les rails. En compagnie de son allié japonais Tiger, Bond prend du bon temps dans les maisons closes et commence à retrouver sa joie de vivre. Réalisant qu'il a peut-être l'opportunité de venger le meurtre de sa femme en tuant Blofeld, notre agent atterrit dans un petit port de pêche où il tombe sous le charme d'une jeune femme des environs, Kissy Suzuki. Souple et sportive, elle lui est d'une grande aide alors qu'il se fait passer pour un pêcheur japonais et ne tarde pas à éprouver des sentiments en retour. Blofeld mort, la relation de Bond et Kissy prend un tour inattendu : le héros est sorti vivant de sa mission mais souffre d'amnésie totale. Kissy en profite pour lui faire croire qu'il est un gars du pays et s'installe avec lui. Pendant plusieurs mois, James mène une vie tranquille tandis que ses collègues du MI6 le croit mort. Lorsque les souvenirs lui reviennent, il décide de partir pour l'U.R.S.S. (se croyant alors un espion du KGB) et la futée Kissy abandonne la bataille. Un problème demeure : l'enfant dont Kissy est enceinte lors du départ de son compagnon et auquel ni Bond ni Fleming ne feront plus allusion. Le film simplifie grandement les choses en abandonnant l'option d'un James Bond amnésique et en divisant le personnage féminin en deux.
La dernière aventure de Bond, "L'homme au pistolet d'or", n'est pas sa plus excitante sur le point de vue sentimental. D'ailleurs, tout l'univers de l'agent secret semble s'effriter : le méchant Scaramanga est un condensé peu convaincant de ses anciens adversaires, "M" est moins tolérant et il n'y pas de cargaisons de jolies filles au rendez-vous. Seule consolation : l'ex-secrétaire de James, la blonde et gaffeuse Mary Goodnight. Cette mignonne jeune femme n'atteint pas les sommets de bravoure et de séduction de celles qui l'ont précédée. Elle n'apparaît dans l'intrigue que de façon fragmentaire et joue surtout un rôle comique. Néanmoins, c'est sur leur étreinte mutuelle, amourette sans prétention, que se clôt la carrière de notre Don Juan de l'espionnage. La mort de Fleming après ce roman ne saura mettre fin pour autant à la vie de James Bond. Il y aura beaucoup de films et de livres pour la perpétuer. La dernière oeuvre en date, "Carte blanche" de Jeffery Deaver reste d'ailleurs dans la lignée du père de Bond : et l'épilogue rappelle que notre agent, malgré son désir pour une compagne fidèle, doit se résigner à ne jamais en trouver une. Le devoir l'appelle, celui de sauver le monde et de rester disponible pour des James Bond Girls sans cesse renouvelées, fantasmes incessants d'un homme qui ne vieillira jamais.
L'agent secret dans la culture populaire du XXe siècle (cinéma et littérature)…
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mardi 20 septembre 2011
dimanche 18 septembre 2011
Les filles chez James Bond 007 (1)
Le petit monde de James Bond est composé d'éléments immuables : il y a "M", Miss Moneypenny, des méchants féroces, des gadgets ingénieux...et aussi toute une galerie de jeunes et jolies filles, parfois plusieurs par aventures, qui ne manquent pas de tomber sous le charme de notre agent secret glamour favori. Aujourd'hui je propose d'examiner les caractéristiques et les évolutions de la James Bond Girl, un concept qui peut paraître quelque peu macho à l'ère du post-féminisme mais qui n'a pas encore perdu de sa popularité.

Commençons par le commencement : donc par la toute première James Bond Girl de l'Histoire (même si James a dû faire des conquêtes avant), Vesper Lynd dans "Casino Royale" (1953). Vesper est un peu un cas à part. Bien sûr, elle est aussi jeune et séduisante que toutes celles qui vont suivre sa route. Mais elle réagit d'abord aux avances de son collègue avec ambiguïté, tour à tour chaleureuse et froide. Déconcerté, Bond le sera encore plus en assistant à son comportement empoté lorsqu'elle est kidnappée par Le Chiffre, sinistre businessman qui l'utilise comme appât pour attirer l'espion. Néanmoins, la relation des deux jeunes gens va s'approfondir de manière inattendue, avec les visites tendres et attentionnées de la jeune femme à son amant hospitalisé. La dernière partie du roman se focalise entièrement sur eux et leur idylle dans un hôtel de bord de mer, au risque de faire oublier qu'il s'agit d'une histoire d'espionnage. James Bond s'en rappellera trop tard, lorsqu'il trouve Vesper dévorée par un secret qu'elle se refuse à lui révéler : alors qu'il est prêt à l'épouser, Bond la trouve morte. Elle s'est tuée en lui laissant une lettre qui explique tout. Elle est un agent double qui a arrangé son enlèvement avec Le Chiffre. Désespéré, l'espion retrouve tout de même le contrôle de lui-même et la qualifie de "garce" à ses employeurs. Mais Bond est moins dur qu'il ne le prétend. Des années plus tard dans "Les diamants sont éternels", il se sent tout drôle lorsque Tiffany Case met le disque de "La vie en rose", chanson qu'il écoutait jadis avec Vesper...
Mais la vie doit continuer. Et la seconde girl en date est plus exotique que la première. Il s'agit de Solitaire, fille de planteurs français ruinés qui devient prostituée à Haïti et voyante personnelle de Mr Big, l'adversaire de Bond dans "Vivre et laisser mourir". Bond tombe vite sous le charme de cette jeune fille élégante mais sensuelle avec laquelle il partagera, sa mission terminée, des vacances passionnées.
Solitaire tombe tout de suite folle de lui, contrairement à Gala Brand, héroïne plus prudente de "Moonraker". Car cette jeune femme qui travaille à la base où Bond doit enquêter est fiancée et le qualifie d'abord de "jeune fat comme il y en a tellement dans les Services Secrets". Il gagne pourtant rapidement ses faveurs tandis qu'elle lui dévoile un corps superbe. Cela dit, Gala est la seule amie de James Bond à le quitter alors qu'il aimerait bien qu'elle reste un peu. Le roman se termine sur une séparation douce-amère. Bond se console rapidement avec Tiffany Case, jeune femme qui travaille pour les gangsters qui font la loi dans "Les diamants sont éternels". Légèrement plus âgée que ses consoeurs, Tiffany a aussi davantage vécue et elle donne tout de suite à Bond l'impression d'une femme décidée, mystérieuse et secrètement blessée. Leur affaire durera jusqu'au début de "Bons baisers de Russie" où James avoue à "M" que leur passion a perdu de son allant et que cette "belle fille mais un peu névrosée" le quitte d'un commun accord pour épouser un major américain. Pas grave ! Car "M" attend de son agent de séduire la jeune espionne russe Tatiana, qui a un profil à la Greta Garbo et peut-être un Lektor pour les Services anglais. Tatiana est une des plus attachantes James Bond Girl de tous les temps. Fleming nous fait partager un peu de sa vie quotidienne à Moscou, de ses espoirs professionnels et ses histoires sentimentales. Manipulée par la repoussante Rosa Klebb du SMERSH, la jeune fille est obligée de tendre un piège à Bond mais sans se rendre compte de la gravité de celui-ci. Elle vit sur son petit nuage jusqu'à ce que les choses s'enveniment. Dans l'adaptation cinématographique, c'est pourtant elle qui tue Klebb alors que James Bond était très mal en point.
Si "Les diamants sont éternels", ce n'est décidément pas le cas des aventures de Bond. Et le sort de Tatiana, son aventure terminée, n'est pas précisé par son ancien amant. A peine sorti de l'hôpital, suite aux blessures infligées par Klebb, James se retrouve plongé dans une mission qu'il considère comme une mise au placard : "Dr No". Il retourne pour l'occasion à la Jamaïque, où le souvenir de Solitaire l'effleure un temps, avant qu'il ne fasse la connaissance de Honeychile "Honey" Rider. Jeune femme naturelle et rieuse dans la lignée de Tatiana, Honey est sans conteste la plus célèbre conquête de Bond : son apparition hors des vagues en bikini a pris pour tous l'image mythique de la jeune Ursula Andress, qui l'interprète dans le film de Terence Young. Honey a été violentée jadis par un homme qui a abusé de sa pauvreté. Elle l'a tué en mettant une mante religieuse dans son lit. Bond ne manquera pas d'être déconcerté par cette héroïne ingénue et maligne, qui lui saute dessus au sortir de la douche et connaît les animaux de Crab Key beaucoup mieux que le diabolique Dr No. Ils connaissent une passion brève mais ardente et Honey rejoint le rang de Gala, Solitaire et Tiffany : elle quitte le sensuel agent secret pour un mari plus réaliste.
"Goldfinger" est une étape particulièrement bizarre dans la vie sentimentale de James Bond. Il y rencontre trois filles, aussi ravissantes les unes que les autres mais qui connaîtront des destins bien compliqués. La première, Jill Masterson, est une petite chose ravissante et naturelle. Elle est très vite séduite par l'agent qui enquête sur son employeur Goldfinger et passe avec lui une nuit dans un train qui débouche sur une séparation amicale. Mais le mal est fait. Pour se venger, Goldfinger la tue en recouvrant son corps de peinture dorée, ce qui entraîne, d'après Fleming, un étouffement respiratoire. La seconde, Tilly Masterson, n'est autre que la soeur de Jill. Elle aussi est jeune et belle mais Bond ne l'intéresse pas. Elle est décidée surtout à venger la mort de Jill et, au cours de leurs aventures, l'espion découvre qu'elle est lesbienne. Avec son machisme habituel, James Bond la qualifie de "d'une de ces filles qui souffrent d'un dérèglement hormonal". Faut-il en conclure que seules les homosexuelles peuvent résister au charme de notre héros ? Même pas ! Car il attire vite l'attention de la lesbienne Pussy Galore, jeune femme d'une trentaine d'années, ancienne trapéziste devenue chef d'une organisation criminelle. Pussy est le seul espoir de Bond pour vaincre les plans machiavéliques de Goldfinger, décidé à envahir Fort Knox. Elle ne le décevra pas, ce qui donnera lieu à l'happy end le plus abrupt et quasiment grotesque de toute la carrière de Fleming. Le revirement de l'héroïne est d'autant plus décevant qu'elle constituait au début l'image d'une forte femme assez intrigante. Elle est interprétée à l'écran par Honor Blackman, une vétérante de la série "Chapeaux melons et bottes de cuir".
La suite au prochain numéro.

Commençons par le commencement : donc par la toute première James Bond Girl de l'Histoire (même si James a dû faire des conquêtes avant), Vesper Lynd dans "Casino Royale" (1953). Vesper est un peu un cas à part. Bien sûr, elle est aussi jeune et séduisante que toutes celles qui vont suivre sa route. Mais elle réagit d'abord aux avances de son collègue avec ambiguïté, tour à tour chaleureuse et froide. Déconcerté, Bond le sera encore plus en assistant à son comportement empoté lorsqu'elle est kidnappée par Le Chiffre, sinistre businessman qui l'utilise comme appât pour attirer l'espion. Néanmoins, la relation des deux jeunes gens va s'approfondir de manière inattendue, avec les visites tendres et attentionnées de la jeune femme à son amant hospitalisé. La dernière partie du roman se focalise entièrement sur eux et leur idylle dans un hôtel de bord de mer, au risque de faire oublier qu'il s'agit d'une histoire d'espionnage. James Bond s'en rappellera trop tard, lorsqu'il trouve Vesper dévorée par un secret qu'elle se refuse à lui révéler : alors qu'il est prêt à l'épouser, Bond la trouve morte. Elle s'est tuée en lui laissant une lettre qui explique tout. Elle est un agent double qui a arrangé son enlèvement avec Le Chiffre. Désespéré, l'espion retrouve tout de même le contrôle de lui-même et la qualifie de "garce" à ses employeurs. Mais Bond est moins dur qu'il ne le prétend. Des années plus tard dans "Les diamants sont éternels", il se sent tout drôle lorsque Tiffany Case met le disque de "La vie en rose", chanson qu'il écoutait jadis avec Vesper...
Mais la vie doit continuer. Et la seconde girl en date est plus exotique que la première. Il s'agit de Solitaire, fille de planteurs français ruinés qui devient prostituée à Haïti et voyante personnelle de Mr Big, l'adversaire de Bond dans "Vivre et laisser mourir". Bond tombe vite sous le charme de cette jeune fille élégante mais sensuelle avec laquelle il partagera, sa mission terminée, des vacances passionnées.
Solitaire tombe tout de suite folle de lui, contrairement à Gala Brand, héroïne plus prudente de "Moonraker". Car cette jeune femme qui travaille à la base où Bond doit enquêter est fiancée et le qualifie d'abord de "jeune fat comme il y en a tellement dans les Services Secrets". Il gagne pourtant rapidement ses faveurs tandis qu'elle lui dévoile un corps superbe. Cela dit, Gala est la seule amie de James Bond à le quitter alors qu'il aimerait bien qu'elle reste un peu. Le roman se termine sur une séparation douce-amère. Bond se console rapidement avec Tiffany Case, jeune femme qui travaille pour les gangsters qui font la loi dans "Les diamants sont éternels". Légèrement plus âgée que ses consoeurs, Tiffany a aussi davantage vécue et elle donne tout de suite à Bond l'impression d'une femme décidée, mystérieuse et secrètement blessée. Leur affaire durera jusqu'au début de "Bons baisers de Russie" où James avoue à "M" que leur passion a perdu de son allant et que cette "belle fille mais un peu névrosée" le quitte d'un commun accord pour épouser un major américain. Pas grave ! Car "M" attend de son agent de séduire la jeune espionne russe Tatiana, qui a un profil à la Greta Garbo et peut-être un Lektor pour les Services anglais. Tatiana est une des plus attachantes James Bond Girl de tous les temps. Fleming nous fait partager un peu de sa vie quotidienne à Moscou, de ses espoirs professionnels et ses histoires sentimentales. Manipulée par la repoussante Rosa Klebb du SMERSH, la jeune fille est obligée de tendre un piège à Bond mais sans se rendre compte de la gravité de celui-ci. Elle vit sur son petit nuage jusqu'à ce que les choses s'enveniment. Dans l'adaptation cinématographique, c'est pourtant elle qui tue Klebb alors que James Bond était très mal en point.
Si "Les diamants sont éternels", ce n'est décidément pas le cas des aventures de Bond. Et le sort de Tatiana, son aventure terminée, n'est pas précisé par son ancien amant. A peine sorti de l'hôpital, suite aux blessures infligées par Klebb, James se retrouve plongé dans une mission qu'il considère comme une mise au placard : "Dr No". Il retourne pour l'occasion à la Jamaïque, où le souvenir de Solitaire l'effleure un temps, avant qu'il ne fasse la connaissance de Honeychile "Honey" Rider. Jeune femme naturelle et rieuse dans la lignée de Tatiana, Honey est sans conteste la plus célèbre conquête de Bond : son apparition hors des vagues en bikini a pris pour tous l'image mythique de la jeune Ursula Andress, qui l'interprète dans le film de Terence Young. Honey a été violentée jadis par un homme qui a abusé de sa pauvreté. Elle l'a tué en mettant une mante religieuse dans son lit. Bond ne manquera pas d'être déconcerté par cette héroïne ingénue et maligne, qui lui saute dessus au sortir de la douche et connaît les animaux de Crab Key beaucoup mieux que le diabolique Dr No. Ils connaissent une passion brève mais ardente et Honey rejoint le rang de Gala, Solitaire et Tiffany : elle quitte le sensuel agent secret pour un mari plus réaliste.
"Goldfinger" est une étape particulièrement bizarre dans la vie sentimentale de James Bond. Il y rencontre trois filles, aussi ravissantes les unes que les autres mais qui connaîtront des destins bien compliqués. La première, Jill Masterson, est une petite chose ravissante et naturelle. Elle est très vite séduite par l'agent qui enquête sur son employeur Goldfinger et passe avec lui une nuit dans un train qui débouche sur une séparation amicale. Mais le mal est fait. Pour se venger, Goldfinger la tue en recouvrant son corps de peinture dorée, ce qui entraîne, d'après Fleming, un étouffement respiratoire. La seconde, Tilly Masterson, n'est autre que la soeur de Jill. Elle aussi est jeune et belle mais Bond ne l'intéresse pas. Elle est décidée surtout à venger la mort de Jill et, au cours de leurs aventures, l'espion découvre qu'elle est lesbienne. Avec son machisme habituel, James Bond la qualifie de "d'une de ces filles qui souffrent d'un dérèglement hormonal". Faut-il en conclure que seules les homosexuelles peuvent résister au charme de notre héros ? Même pas ! Car il attire vite l'attention de la lesbienne Pussy Galore, jeune femme d'une trentaine d'années, ancienne trapéziste devenue chef d'une organisation criminelle. Pussy est le seul espoir de Bond pour vaincre les plans machiavéliques de Goldfinger, décidé à envahir Fort Knox. Elle ne le décevra pas, ce qui donnera lieu à l'happy end le plus abrupt et quasiment grotesque de toute la carrière de Fleming. Le revirement de l'héroïne est d'autant plus décevant qu'elle constituait au début l'image d'une forte femme assez intrigante. Elle est interprétée à l'écran par Honor Blackman, une vétérante de la série "Chapeaux melons et bottes de cuir".
La suite au prochain numéro.
samedi 27 août 2011
James Bond avant James Bond
Le premier roman de James Bond que j'ai lu est aussi le premier écrit par Ian Fleming en 1953 : "Casino Royale". L'intrigue est moins amusante que l'adaptation groovy qu'en a donné John Huston au cinéma (et à laquelle je consacrerai plus tard un billet entier). En gros, c'est l'histoire de James Bond sommé par son patron M, de gagner au baccara contre un membre du SMERSH, Le Chiffre, afin de couler les fonds de l'organisation soviétique. Bond joue et gagne. Mais, le kidnapping de sa collègue peu habile, Vesper Lynd, le fait tomber dans un piège. Il se retrouve dans les griffes du "Chiffre", méchant hautement sinistre, ce qui donne lieu à une des scènes de torture les plus gores de Fleming...
SPOILER :
James Bond s'en sort mais atterrit à l'hôpital où il reçoit les fréquentes visites de Vesper, dont il commence à tomber amoureux, et de son homologue français, l'inspecteur René Mathis. C'est dans cette partie du roman que Fleming donne à voir une facette de Bond d'autant plus intrigante que, comme le fera remarquer Umberto Eco dans une analyse du sujet, elle disparaît totalement dans la suite de la série : pour la première et la dernière fois, notre espion au visage cruel et brave, si souvent désigné par des romanciers plus réalistes tels John Le Carré et Graham Greene, comme une création stéréotypée et dépourvue de psychologie, pour la première fois, donc, (quelle longue phrase !) notre héros doute, se pose des questions et se demande si la cause pour laquelle il se bat en vaut vraiment la peine. Décidé à démissionner, il fait valoir de ses états d'âme à un Mathis stupéfait : "J'y ai réfléchi et je me demande de quel côté je dois me trouver. Je finis par m'apitoyer sur le sort du diable et de ses adeptes, comme le brave Le Chiffre...nous ne donnons pas sa chance au pauvre type. Il y a un livre sur le bien qui nous explique comment il faut faire pour être bon...mais il n'y a pas de livre sur le mal."
Malheureusement, Mathis, moins scrupuleux, va se dépêcher de conforter Bond dans la position manichéenne qu'il ne quittera plus guère durant le reste de sa carrière : "Maintenant, en ce qui concerne votre petit problème, qui consiste à ne pas savoir distinguer les bons des méchants ni les crapules des héros et ainsi de suite, il est certes difficile, en théorie. La réponse se trouve dans l'expérience personnelle..."
Toutefois, James persiste à démissionner et a épouser Vesper. Il lui faudra apprendre que sa fiancée est une agent double qui l'a jeté dans les bras du "Chiffre" pour revenir sur sa décision. Après le suicide de Vesper, Bond fait tout de même part d'une douleur réelle qui tranche avec ses habituels béguins romanesques; mais il repousse vite ses émotions pour considérer la situation d'un oeil froid. Son appel à M "La garce est morte" sonne le retour au combat et aux conceptions faciles à la Mathis. Dommage, il semblait que James Bond n'était pas loin de s'écarter des normes...
SPOILER :
James Bond s'en sort mais atterrit à l'hôpital où il reçoit les fréquentes visites de Vesper, dont il commence à tomber amoureux, et de son homologue français, l'inspecteur René Mathis. C'est dans cette partie du roman que Fleming donne à voir une facette de Bond d'autant plus intrigante que, comme le fera remarquer Umberto Eco dans une analyse du sujet, elle disparaît totalement dans la suite de la série : pour la première et la dernière fois, notre espion au visage cruel et brave, si souvent désigné par des romanciers plus réalistes tels John Le Carré et Graham Greene, comme une création stéréotypée et dépourvue de psychologie, pour la première fois, donc, (quelle longue phrase !) notre héros doute, se pose des questions et se demande si la cause pour laquelle il se bat en vaut vraiment la peine. Décidé à démissionner, il fait valoir de ses états d'âme à un Mathis stupéfait : "J'y ai réfléchi et je me demande de quel côté je dois me trouver. Je finis par m'apitoyer sur le sort du diable et de ses adeptes, comme le brave Le Chiffre...nous ne donnons pas sa chance au pauvre type. Il y a un livre sur le bien qui nous explique comment il faut faire pour être bon...mais il n'y a pas de livre sur le mal."
Malheureusement, Mathis, moins scrupuleux, va se dépêcher de conforter Bond dans la position manichéenne qu'il ne quittera plus guère durant le reste de sa carrière : "Maintenant, en ce qui concerne votre petit problème, qui consiste à ne pas savoir distinguer les bons des méchants ni les crapules des héros et ainsi de suite, il est certes difficile, en théorie. La réponse se trouve dans l'expérience personnelle..."
Toutefois, James persiste à démissionner et a épouser Vesper. Il lui faudra apprendre que sa fiancée est une agent double qui l'a jeté dans les bras du "Chiffre" pour revenir sur sa décision. Après le suicide de Vesper, Bond fait tout de même part d'une douleur réelle qui tranche avec ses habituels béguins romanesques; mais il repousse vite ses émotions pour considérer la situation d'un oeil froid. Son appel à M "La garce est morte" sonne le retour au combat et aux conceptions faciles à la Mathis. Dommage, il semblait que James Bond n'était pas loin de s'écarter des normes...
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