vendredi 14 octobre 2011

Nid d'espions (1943)

Réalisés à chaud en plein milieu du conflit, les films d'espionnage se déroulant avec la Seconde Guerre Mondiale pour toile de fond ont presque toujours un but propagandiste. "Nid d'espions", tourné en 1943 par Richard Wallace ne fait pas exception à cette règle. A une heure où le dénouement des hostilités est encore bien incertain, ce drame-thriller met en garde contre l'expansion nazie, dont les membres menaçants vont jusqu'à hanter les rues de New-York et les fêtes mondaines... Le sujet du jour est donc de redécouvrir un petit film de guerre purement américain, qui en frôlant le fantastique et le psychodrame pourrait bien parvenir à dépasser son genre...


L'histoire est celle de John "Kit" McKittrick (John Garfield), ancien soldat en Espagne, qui revient à New-York après une longue période d'absence. Dans le train qui l'amène, il apprend brutalement le suicide de son meilleur ami, Louie Lepetino, qui se serait jeté d'une fenêtre à une fête mondaine organisée par la jeune Barby Taviton (Patricia Morrison). Persuadé qu'il s'agit d'un meurtre, Kit rend visite au vieil inspecteur Tobin et lui annonce qu'il est décidé à mener une enquête par ses propres moyens. Son champ d'investigation s'arrête bientôt aux invités de la fête : en plus de Barby, il lui faut se méfier de la séduisante mais froide Toni Donne (Maureen O'Hara), la chanteuse Whitney Parker (Martha O'Driscoll) qui est la petite cousine d'un autre de ses amis, le docteur Skaas (Walter Slezak), un émigré invalide fasciné par tout ce qui concerne la torture, et le pianiste accompagnateur de Whitney... L'enquête de Kit remue les souvenirs mal enfouis et traumatisants que notre héros a rapporté de l'Espagne franquiste : en effet, on apprend vite qu'il a été emprisonné et torturé pendant deux ans par les autorités fascistes et que Lepetino avait arrangé son évasion. Convaincu qu'il existe un lien entre cette histoire et la mort de Louie, il réussit à se faire inviter dans le cercle d'émigrés de Toni Donne où président l'oncle sénile de celle-ci et le sinistre docteur Skaas. Entre temps, son ami Parker, qui selon Tobin poursuivait aussi une enquête, est assassiné dans son appartement. 

Le décor de "Nids d"espions" est celui d'un New-York mondain, apparemment peu touché par le conflit qui secoue le reste du monde. On va du quotidien de la chanteuse Whitney au commissariat du mesquin mais obstiné Tobin comme dans n'importe quel film américain. La présence même des émigrés apparaît intégrée d'entrée de jeu dans le jeu social et les plus prestigieux d'entre eux, comme le docteur Skaas, sont devenus la coqueluche des soirées chics. Seul élément de perturbation dans cet univers a priori bien huilé : notre héros. Lui a vu de près les horreurs du conflit et il continue de les voir au sein même de la ville new-yorkaise qui aurait dû marquer son retour à la vie. En effet, les visages qui l'entourent deviennent dès le début du film le reflet de ceux qui l'ont brutalisé en Espagne; la méfiance et la suspicion se lit dans leurs regards et il est bientôt impossible au spectateur de faire confiance à quiconque. Les beaux visages de Whitney et Toni pourraient être porteurs d'une menace mortelle. Quant au sinsitre Dr Skaas, il se distingue lors de sa première apparition par une longue discussion sur les effets de la torture sur l'être humain, adressée en toute connaissance de cause à celui qui se remet difficilement de ses épreuves en Espagne... Mais le désarroi de McKittrick n'est pas seulement causé par son entourage, il est le clair résultat de son récent traumatisme. Sa perception et ses émotions sont constamment influencés et menés à la dérive par les deux années passées en Espagne franquiste. Il croit entendre des bruits quand les autres n'ont conscience de rien, voit des ombres qui pourraient être des fantômes maléfiques, et chaque pas dans sa quête l'oblige à remuer un peu plus dans de douloureux souvenirs. Cette vulnérabilité du héros, tout en permettant au film de basculer dans un fantastique/psychologique particulièrement réussi, rend attachant le personnage de John Garfield. Cet immense acteur, trop mal connu et décédé trop tôt, donne une performance sensible et nuancé en homme intrépide, ayant les pieds sur terre et la langue bien pendue, mais secoué au plus profond de lui-même par la souffrance et barbarie. Ses pérégrinations dans les grandes maisons des émigrés ont une atmosphère d'errance presque de déjà-vu où la mort à laquelle il a échappée jadis pourrait bien revenir le frapper.

Portrait accompli d'un homme en lutte avec ses démons, le film pêche par contre quelque peu dans la description des personnages secondaires. Rares sont ceux, en effet, qui convainquent tout à fait le spectateur. L'inspecteur Tobin, ancien ami et collègue du père de McKittrick est le mieux traité et son revirement vers la fin du film pour venir en aide au héros est à la fois vraisemblable et sympathique. Mais les intrigantes figures féminines qui hantent les bals et la cervelle de McKittrick ne remplissent jamais tout à fait leurs promesses. Toni Donne en particulier, qui aurait dû être la plus fouillée, enchaîne visage sur visage sans jamais acquérir une once de personnalité. Et on a l'impression que Maureen O'Hara, actrice estimée, y perd quelque peu son talent. De même, le personnage du Dr Skaas, entouré de toute une mythologie de poisons, instruments de torture, et coupes antiques, est presque trop diabolique pour effrayer réellement. Cependant, le flou qui entoure les adversaires de McKittrick ne desservit pas l'ambiance de malaise qui baigne le film. Il semble que le héros soit seul conscient dans un cauchemar peuplé d'êtres sans consistance. Cette impression est consolidée par un scénario structuré (même s'il s'égare un peu dans la seconde partie), des dialogues qui oscillent entre le badinage cynique et le monologue vibrant de Garfield, ainsi qu'une critique sous-jacente de certains poncifs du film d'espionnage où la pure victime se révèle un bourreau calculateur. Film inégal, donc, mais captivant souvent et fascinant parfois. C'est le témoignage d'un monde qui prend peu à peu conscience de l'existence des camps de concentration et le cri déchirant d'un héros cabossé, quelques années seulement avant la mort de son brillant interprète...

mardi 4 octobre 2011

Le Piège (1973)

En 1973, Hitchcock est, pour les réalisateurs qui veulent tâter du thriller ou de l'espionnage, une référence incontournable. Certes, les scénarios qu'il mettait en scène dans ses chef-d'oeuvres ne brillaient pas toujours par leur vraisemblance, mais comment oublier sa verve, son humour noir, son sens du grand spectacle, sa manière bien à lui de faire mariner le spectateur ? Apparemment, John Huston, lui-même un vétéran du Septième art, ne les a pas oubliés. Et dans ce "piège", polar qui navigue de Londres à Malte en passant par l'Irlande, on sent constamment l'ombre du grand Hitch, même si Huston sait aussi s'en écarter et imposer sa patte particulière. Le film que je vous propose de découvrir aujourd'hui, adaptation d'un roman de Desmond Bagley, est un petit régal, méconnu, mais qui mérite à plus d'un titre d'être redécouvert...
L'histoire commence à Londres, lorsque l'agent secret Joseph Rearden (Paul Newman) reçoit du chef du Service, le vieux MacKintosh (Harry Andrews) une mission bien particulière : il s'agit de voler des diamants de grande valeur, transmis par voie postale, en agressant le facteur qui les transporte. Rearden réussit l'entreprise mais est presque aussitôt arrêté par la police, qui ne croient ni son alibi, ni son faux passeport,  et le reconnaissent coupable du crime. Condamné à une peine de vingt ans, l'espion atterrit dans une prison de Liverpool où il s'occupe de la blanchisserie et fait la connaissance d'individus assez bizarres. L'un deux, Soames, lui propose d'organiser son évasion en échange d'une somme d'argent conséquente. Rearden accepte et apprend peu après qu'un autre détenu, Slade (Ian Bannen), qui a été condamné à vie pour collaboration avec le KGB, sera aussi du voyage. L'évasion a lieu de manière assez spectaculaire dans la cour de la prison, où des lancers de fumigènes et une bagarre générale distraient l'attention des gardiens. Une fois dehors, Rearden et Slade se retrouvent en compagnie d'un groupe de gens patibulaires, qui leur administrent une drogue soporifique et les embarquent pour une destination inconnue. Entre temps, MacKintosh, après une entrevue avec Sir George Wheeler (James Mason), un politicien patriote et affecté du Parlement, a été renversé par une voiture et se retrouve entre la vie et la mort. Rearden reprend conscience dans un château irlandais qui ressemble fort à une nouvelle prison : les habitants du lieu l'empêchent d'en sortir avant d'avoir payé la somme convenue à Liverpool et commencent à douter de sa véritable identité. Il en profite pour faire la connaissance de Slade, avec qui il se lie plus ou moins d'amitié même si l'espion soviétique n'a pas l'air d'en savoir davantage que lui. Finalement, Rearden établit un plan d'évasion, en prenant ses geôliers par surprise et en incendiant les lieux. Il marche dans la campagne et arrive à une bourgade un peu paumée où il prend contact avec Mrs Smith (Dominique Sanda) la séduisante et laconique jeune secrétaire de MacKintosh. Mrs Smith le rejoint à Galway où elle lui apprend l'état critique du vieil homme, qui n'est autre que son père caché. Rearden voit le yacht de George Wheeler débarquer dans la baie, et ne tarde pas à joindre les deux bouts. Il décide de retrouver Slade et de dénoncer Wheeler, mais ses aventures seront un peu plus compliquées qu'il ne le croyait...

"Le Piège" démarre in media res dans une ambiance paisible mais rythmée dans laquelle personne n'est tout à fait ce qu'il semble être. Qui est Rearden ? Un espion au Service de la Couronne ou un vulgaire voleur ? Son identité même, dont les autres personnages ne sont jamais convaincus, n'a pas vraiment d'importance et se fond dans une intrigue basée sur la dissimulation. Il est d'ailleurs difficile d'établir le ton dominant du film qui oscille entre comédie d'espionnage et thriller plus sérieux, hésite un moment pour le polar parano, dessine l'ébauche d'une histoire amoureuse et choisit une conclusion pour le moins inattendue. En tous cas, ce thriller étonnant ne perd jamais de sa désinvolture ludique, où les références à la culture populaire abondent. On l'a dit, le grand modèle est Hitchcock et son ombre se reflète autant dans le choix des interprètes (Paul Newman qui avait tourné pour lui, sans apprécier l'expérience, dans "Le Rideau déchiré", James Mason, ex-Philip Vandamn de "La Mort aux trousses" et Dominique Sanda, variation intéressante sur le thème de la blonde glaciale) que dans certaines séquences parmi les plus belles : la poursuite en voiture sur les côtes irlandaises, où quelques virages bien placés de Newman envoient ses adversaires dans le décor; le réveil du héros dans une maison luxueuse et inquiétante; la confrontation glaçante de Wheeler et de Mrs Smith, lors d'une joyeuse "fête sur le port"... Mais Hitchcock n'est pas seul à s'incruster dans le récit. Ian Fleming aussi promène sa postérité d'auteur d'espionnage : la perfide Gerda n'est pas sans rappeler les femmes frigides et malveillantes qui tabassaient James Bond régulièrement; et à la question de MacKintosh au début du film : "Que savez-vous des diamants ?", Rearden répond "Ils sont éternels" ce qui provoque l'amusement complice du chef et de sa secrétaire.

On aurait tort cependant de réduire ce film à un simple hommage au genre. Par sa simplicité même, "Le Piège" est aussi une des expression les plus sobres et efficace du talent de John Huston. Là où il s'égarait en pêchant par la complexité tirée par les cheveux de "La Lettre du Kremlin", il retrouve ici l'intelligence sans effort qui faisait la marque de ses premiers chef-d'oeuvres. Certes, "Le Piège" ne figure pas parmi ses oeuvres les plus remarquables : mais cette histoire à la fois obscure et limpide est une voie d'exploitation idéale pour sa verve cynique et parodique. Huston ne se lasse pas en effet de se moquer de tout : de ses personnages, de ses interprètes, des thèmes politiques et juridiques parce qu'il les sait soumis à des hasards nébuleux et parfois inexplicables. A cause de cela, les figures mises en scène dans son film sont à la fois quasiment privées de psychologie et unanimement sympathiques. Le public s'attache en effet sans difficulté, à Joseph Rearden même si on ne sait absolument rien de lui. Et c'est aussi vrai pour Wheeler et Slade, qui ont trop de charme et d'humour pour être réduits aux "méchants de l'histoire". Où se situe le Mal et le Bien dans le monde ? Cette question éternelle chère à l'espionnage apparaît de manière étonnamment lucide et décapante sous la direction de Huston. Ce sont des anti-héros qui se partagent ici la vedette, et à ce titre, l'épilogue est particulièrement intriguant. Réunis dans une chapelle maltaise, pistolets aux poings, Slade et Wheeler proposent à Rearden de se séparer sans effusions de sang : les "bons" iront de leur côté, les "méchants" du leur. Quel besoin, en effet, de continuer de se tirer dans les pattes quand il ne tient qu'à eux de partir pour une nouvelle vie ? Que ce soit les deux espions communistes qui proposent ces arguments très raisonnables et que Rearden les écoute avec approbation est une preuve suffisante de la versatilité de John Huston. Jamais là où on l'attend, il révolutionne des sentiers rebattus puis l'instant d'après plonge dans des thèmes plus conventionnels. Les scènes de violence qu'il met en scène dans ce film sont particulièrement crues (en particulier la noyade du chien qui aujourd'hui, ferait frémir la SPA) et la relation Rearden-Smith, à la fois plaisante et décevante : une romance avortée avant d'avoir seulement commencée.

Autres aspects attachants de ce film atypique : la musique signée Maurice Jarre (responsable du score de "Lawrence d'Arabie"), dont les variations sautillantes et ironiques ne sont pas sans rappeler l'illustre thème à la cithare de Anton Karas dans "Le Troisième Homme". L'utilisation ingénieuse des décors est aussi un point fort. Ils sont à la fois omniprésents et discrets, et font voyager le spectateur de l'atmosphère hyperréaliste d'une véritable prison à un bateau ensoleillé du port de Malte, en passant par une longue promenade dans les landes irlandaises, où Huston possédait une maison. Enfin, les interprètes donnent tous des performances de grande qualité. Paul Newman propose un héros sans réelle personnalité mais qui a l'avantage de rester jusqu'au bout mystérieux, dépassé et légèrement amoral. A quarante-sept ans il effectue encore une foule de tours de force physique, secondé (on l'espère) par un cascadeur dans les scènes les plus vertigineuses. Face à lui, le vétéran James Mason impose le charme suave et dangereux qui est devenu sa marque de fabrique et semble toujours avoir l'avantage sur son célèbre cadet. Il profite aussi du scénario pour se moquer de lui-même en affirmant vers la fin du film vouloir changer de vie pour ne plus avoir à jouer "les idiots pompeux". Quant à Dominique Sanda, qui s'est illustrée dans des oeuvres majeures du cinéma français et italien, elle passe très honorablement l'examen du thriller hollywoodien. Son visage angélique et presque dépourvu d'émotions, sa voix grave et intelligente, sa garde-robe élégante servent avec efficacité un personnage qui tient à la fois de Miss Moneypenny, Tippi Hedren et Lauren Bacall. Harry Andrews et Nigel Patrick font des apparitions brèves mais essentielles à l'action, en gentlemen affables et secrets. On se doit aussi de noter la performance de Ian Bannen : pour camper Slade, le caractère peut-être le plus mystérieux de cette galerie des faux-semblants, l'acteur écossais ne dispose que de quelques scènes. Mais il y apporte des nuances intrigantes, une verve joyeusement ironique et un certain fatalisme, qui le rendent vraiment inoubliable. Dans les scènes de la prison, il ne prononce pas un mot et n'apparaît que de manière intermittente, filmé de loin. Mais déjà ses regards, intensément posés sur ceux de Paul Newman, annoncent un personnage à suivre.

A une époque où le cinéma d'espionnage se répète (James Bond en est à son époque Roger Moore), ou tente de se renouveler par la noirceur et le ludisme caractéristiques par exemple des "Trois jours du condor" de Sydney Pollack, "Le Piège" fait figure d'oeuvre de transition. A la fois hommage à un classicisme un peu disparu et parodie caustique d'un monde en mouvement. Une fois de plus, John Huston a prouvé que le sujet le plus anodin peut devenir une source d'inventions inépuisables, s'il est traité avec la bonne dose de désinvolture. Apparemment sans queue ni tête, les pérégrinations de Joseph Rearden n'en sont pas moins l'illustration, dépourvue de toute prétention et résolument plaisante, de l'errance d'un individu dans un univers d'ombres, à jamais surprenant...

samedi 24 septembre 2011

Berlin-Express (1948)

La plupart des films d'espionnage que j'ai eu l'occasion de voir, se déroulent soit durant la Seconde Guerre Mondiale (c'est le cas de "Correspondant 17" d'Alfred Hitchcock dont je parlerai plus tard), soit durant la Guerre Froide, de James Bond à "La Maison Russie" de Fred Schepisi. "Berlin-Express" m'a donc tout de suite frappé comme une oeuvre atypique : l'histoire qu'elle raconte prend place à cette période troublée d'immédiat après-guerre, alors que les conflits entre l'U.R.S.S. et les États-Unis n'ont pas encore vraiment commencés. C'est donc ce thriller de Jacques Tourneur qui sera aujourd'hui à l'honneur de ce blog.


"Berlin-Express" commence par l'anecdote d'un pigeon tué à Paris par une bande d'enfants. Lorsque ceux-ci le ramènent chez eux, la mère d'un des gamins découvre, accroché à sa patte, un papier mystérieux en allemand. Personne ne sait qu'il s'agit d'un message codé pour planifier l'assassinat d'un diplomate, le Dr Heinrich Bernhardt, partisan d'une réunification allemande qui ne plaît pas à tout le monde. L'attentat doit avoir lieu dans un train en partance pour Francfort, où le hasard à réuni des personnages de nationalités diverses : Robert Lindley, un jeune nutritionniste américain (Robert Ryan), Lucienne Mirbeau, une secrétaire française (Merle Oberon), Sterling, un professeur anglais plein d'humour (Robert Coote), Perrot, un ancien maquisard (Charles Korvin), Kirochilov, un jeune et austère lieutenant russe, et deux allemands mystérieux  : l'affable Kruger (Paul Lukas) et le taiseux Schmidt (Peter Von Zernech). Quand Bernhardt est tué dans son compartiment, on peut s'attendre à un film policier en huis clos, du genre de "Une femme disparaît" d'Hitchcock. Mais Tourneur a pour nous quelques surprises en réserve. Et arrivés à Francfort, nos héros vont découvrir que l'homme assassiné sur le train n'était pas le véritable Dr Bernhardt : ce dernier n'est autre que Kruger, qui toujours charmant et crédule, ne tarde pas à se faire enlever. Désespérée, Lucienne révèle au petit groupe qu'elle est son assistante et leur demande de lui venir en aide. Dans un Francfort en ruines, les cinq personnages (Schmidt ayant disparu) commencent une recherche difficile au terme de laquelle ils rencontreront les ennemis du docteur, un groupe de néo-nazis, et apprendront qu'un traître se dissimule peut-être parmi eux...

Ce petit film d'espionnage est étonnamment riche en trouvailles et bizarreries, caractéristiques de l'esprit français de Tourneur. Le réalisateur injecte donc beaucoup d'originalité à ce projet Hollywoodien, qui, à la veille de la Guerre Froide, s'interrogeait sur les capacités des nations à cohabiter dans la paix. Entre pessimisme et espoir, parfois un peu lourdement exprimé par les attachants Bernhardt et Lucienne, le message passe surtout dans la présentation d'un microcosme. Les personnages qui se retrouvent dans le train ne se quitteront plus et apprendront, malgré eux, à se connaître et à dépasser leur première approche. Sterling et Perrot ne se lassent pas de plaisanter Lindley, symbole du grand vainqueur de la guerre. Et Kirochilov est souvent victime des clichés de ses compagnons, auxquels il répond avec une lucidité assez surprenante dans un film américain. Ce personnage, tour à tour froid et sympathique, est sans doute le plus complexe du film, avec l'intriguant Schmidt qui fait un retour remarqué dans l'action en mourant sur la scène d'un cabaret clandestin, déguisé en clown. Mais là où les relations sarcastiques des héros sont pour beaucoup dans le charme du film, il faut aussi compter sur une atmosphère qui mêle réalisme quasi-documentaire et allures de fantastique. Pas de décor en carton-pâte pour Tourneur ! Il tourne directement dans les villes de l'action, de Paris à Berlin en passant par Francfort. Sa caméra met surtout en avant la destruction allemande qui a transformé des cités légendaires en no man's land : les immeubles en ruines, les bâtiments administratifs intacts, les marchés noir, les cabarets interdits, ne seront saisis avec autant de réalisme que par "La Scandaleuse de Berlin" de Billy Wilder. Le choix d'une voix-off insiste sur l'aspect pédagogique du film, en décrivant les décors au public. Mais elle intervient aussi directement dans l'histoire pour contredire ou commenter les choix des personnages. Quand au fantastique, il est omniprésent dans la scène du clown déjà évoquée mais surtout dans le combat de Lindley avec les kidnappeurs du professeur. Le nutritionniste a découvert leur cachette dans une brasserie délabrée. Il se retrouve prisonnier d'un tonneau de bière immense où ses ennemis tirent à vue. Plus tard, l'inventivité de Tourneur reparaît lorsque le traître, enfin démasqué, tente d'étrangler Bernhardt : ses efforts sont vus par le biais d'un miroir, alors que les jeunes premiers flirtent tranquillement.

Un mot doit être dit sur les interprètes, tous de grande qualité. Robert Ryan, qu'on a beaucoup vu en jeune homme torturé, offre ici l'image classique et efficace d'un homme ordinaire en vacances, plongé dans une aventure inattendue où il se révèle pleins de ressources. Merle Oberon est très belle et propose un accent français plutôt convaincant. Paul Lukas reprend un rôle dans la veine de celui qui lui a valu un Oscar dans "Watch on the Rhine". En pacifiste, tour à tour fataliste et sûr de lui, il est plutôt touchant, d'autant qu'on sait que ses rêves de réunifications ne trouveront pas d'accomplissement avant bien longtemps... Robert Coote, Charles Korvin et Roman Toporow constituent une interprétation secondaire solide, passant de l'humour léger à la gravité et l'amertume. Et les figurants, pour une fois, ont vraiment l'air allemands ou français.

Moins un film d'espionnage classique qu'une réflexion sur la politique, "Berlin-Express" n'en est pas pour le moins extrêmement divertissant. Les faux-semblants et les mensonges sont omniprésents. L'amitié dissimule la menace. Et malgré leur désir de paix, tous les personnages, grands ou petits, craignent et envisagent le retour de la guerre. Avec des personnages moins manichéens qu'il n'en sera coutume à Hollywood, Jacques Tourneur peut se permettre un dénouement plutôt optimiste. Certes, la grande oeuvre de Bernhardt est loin d'être gagnée d'avance, certes, Lindley et Lucienne n'auront pas vraiment eu le temps de tomber amoureux, mais on nous laisse entendre que la séparation des héros ne sera pas définitive... C'était, on le rappelle encore, avant la Guerre Froide et le Mur de Berlin.

mardi 20 septembre 2011

Les filles chez James Bond 007 (2)

Reprenons là où notre précédent épisode nous avait laissé... C'est à dire à "Opération tonnerre" (1961), roman dans lequel la séduction de James Bond est toujours aussi efficace. Sa partenaire du moment est une ravissante italienne Dominetta Vitali (Domino pour les intimes), qui sert de maîtresse au magnétique Emilio Largo sans savoir qu'il est responsable de la mort de son frère. Désoeuvrée à Nassau, Domino va partager des parties de natation avec James Bond avant d'accepter ses faveurs. Dotée d'un tempérament bien trempé, elle a l'honneur insigne d'assassiner le méchant alors que Bond lui-même voit sa chance tourner. Néanmoins dans le film de Terence Young, l'agent est entouré de trois autres jolies filles : la brune Paula, une espionne aux allures de mannequin qui finit tuée par la bande des méchants; la rousse Fiona, une complice de Largo qui refuse le sort de Pussy Galore et ne laisse pas le charme de Bond empiéter sur sa position de vilaine fille; et la blonde Patricia, séduisante infirmière qui aurait bien aimé le garder plus longtemps... Quand à Domino, elle est francisée afin de prendre les traits de Claudine Auger.


Dans "Motel 007" (1962), le rôle principal est cette fois tenu par une femme, la canadienne Vivienne Michel. Bond passe lui au second plan : il n'intervient qu'à mi-chemin du roman, plus ou moins par hasard. Et la narration étant assurée par Vivienne, ne bénéficie jamais de la focalisation interne à laquelle nous avait habitué Ian Fleming. Michel n'est décidément pas la compagne la plus inoubliable de l'agent secret : le récit de ses déboires amoureux, servi par une psychologie naïve, peine à lui donner une quelconque profondeur. Face aux gangsters qui assiègent son motel, elle n'est pas aussi téméraire que Tiffany Case ou Honey Rider et raisonne davantage. En définitive, ce bizarre roman féminin (!) apparaît plus comme le récit du fantasme d'une hôtelière que d'une aventure en règle de James Bond.
Autre changement de style dans l'opus suivant, "Au service secret de sa majesté" : certes James, parti en mission dans un sanatorium alpin, croise une vingtaine de jeunes et jolies femmes qui ne tardent pas à craquer pour lui (voir photo du film ci-dessus). Mais son coeur est ailleurs. Il vient en effet de rencontrer celle qui deviendra sa future épouse, Teresa Di Vincenzo, dite Tracy. Fille unique d'un mafieux bienveillant, Tracy marquera la vie de l'agent secret comme personne. Il la voit d'abord pour tenter de réconforter cette jeune femme dépressive et proche du suicide mais ne tardera à connaître à son égard des sentiments très profonds : "Elle possède tout ce que j'ai toujours désiré chez une femme" conclut-il à un moment du livre. Malheureusement, le mariage de James et Tracy sera bref : avide de vengeance, Blofeld organise un attentat sur la voiture des jeunes mariés. Et quelques heures à peine après la cérémonie, notre héros se retrouve veuf. Cet épilogue étonnamment mélancolique dans la carrière littéraire de Fleming est le prélude d'une période de dépression pour James Bond.

En effet, au début d'"On ne vit que deux fois", James Bond est une épave. Alcoolique, cynique, il traîne son désoeuvrement entre les murs de Regent's Park et semble avoir, pour une fois, renoncé à la compagnie féminine. Il faudra l'ordre impérieux de "M" et une mission tarabiscotée au Japon pour le remettre sur les rails. En compagnie de son allié japonais Tiger, Bond prend du bon temps dans les maisons closes et commence à retrouver sa joie de vivre. Réalisant qu'il a peut-être l'opportunité de venger le meurtre de sa femme en tuant Blofeld, notre agent atterrit dans un petit port de pêche où il tombe sous le charme d'une jeune femme des environs, Kissy Suzuki. Souple et sportive, elle lui est d'une grande aide alors qu'il se fait passer pour un pêcheur japonais et ne tarde pas à éprouver des sentiments en retour. Blofeld mort, la relation de Bond et Kissy prend un tour inattendu : le héros est sorti vivant de sa mission mais souffre d'amnésie totale. Kissy en profite pour lui faire croire qu'il est un gars du pays et s'installe avec lui. Pendant plusieurs mois, James mène une vie tranquille tandis que ses collègues du MI6 le croit mort. Lorsque les souvenirs lui reviennent, il décide de partir pour l'U.R.S.S. (se croyant alors un espion du KGB) et la futée Kissy abandonne la bataille. Un problème demeure : l'enfant dont Kissy est enceinte lors du départ de son compagnon et auquel ni Bond ni Fleming ne feront plus allusion. Le film simplifie grandement les choses en abandonnant l'option d'un James Bond amnésique et en divisant le personnage féminin en deux.

La dernière aventure de Bond, "L'homme au pistolet d'or", n'est pas sa plus excitante sur le point de vue sentimental. D'ailleurs, tout l'univers de l'agent secret semble s'effriter : le méchant Scaramanga est un condensé peu convaincant de ses anciens adversaires, "M" est moins tolérant et il n'y pas de cargaisons de jolies filles au rendez-vous. Seule consolation : l'ex-secrétaire de James, la blonde et gaffeuse Mary Goodnight. Cette mignonne jeune femme n'atteint pas les sommets de bravoure et de séduction de celles qui l'ont précédée. Elle n'apparaît dans l'intrigue que de façon fragmentaire et joue surtout un rôle comique. Néanmoins, c'est sur leur étreinte mutuelle, amourette sans prétention, que se clôt la carrière de notre Don Juan de l'espionnage. La mort de Fleming après ce roman ne saura mettre fin pour autant à la vie de James Bond. Il y aura beaucoup de films et de livres pour la perpétuer. La dernière oeuvre en date, "Carte blanche" de Jeffery Deaver reste d'ailleurs dans la lignée du père de Bond : et l'épilogue rappelle que notre agent, malgré son désir pour une compagne fidèle, doit se résigner à ne jamais en trouver une. Le devoir l'appelle, celui de sauver le monde et de rester disponible pour des James Bond Girls sans cesse renouvelées, fantasmes incessants d'un homme qui ne vieillira jamais.

dimanche 18 septembre 2011

Les filles chez James Bond 007 (1)

Le petit monde de James Bond est composé d'éléments immuables : il y a "M", Miss Moneypenny, des méchants féroces, des gadgets ingénieux...et aussi toute une galerie de jeunes et jolies filles, parfois plusieurs par aventures, qui ne manquent pas de tomber sous le charme de notre agent secret glamour favori. Aujourd'hui je propose d'examiner les caractéristiques et les évolutions de la James Bond Girl, un concept qui peut paraître quelque peu macho à l'ère du post-féminisme mais qui n'a pas encore perdu de sa popularité.            
                      

Commençons par le commencement : donc par la toute première James Bond Girl de l'Histoire (même si James a dû faire des conquêtes avant), Vesper Lynd dans "Casino Royale" (1953). Vesper est un peu un cas à part. Bien sûr, elle est aussi jeune et séduisante que toutes celles qui vont suivre sa route. Mais elle réagit d'abord aux avances de son collègue avec ambiguïté, tour à tour chaleureuse et froide. Déconcerté, Bond le sera encore plus en assistant à son comportement empoté lorsqu'elle est kidnappée par Le Chiffre, sinistre businessman qui l'utilise comme appât pour attirer l'espion. Néanmoins, la relation des deux jeunes gens va s'approfondir de manière inattendue, avec les visites tendres et attentionnées de la jeune femme à son amant hospitalisé. La dernière partie du roman se focalise entièrement sur eux et leur idylle dans un hôtel de bord de mer, au risque de faire oublier qu'il s'agit d'une histoire d'espionnage. James Bond s'en rappellera trop tard, lorsqu'il trouve Vesper dévorée par un secret qu'elle se refuse à lui révéler : alors qu'il est prêt à l'épouser, Bond la trouve morte. Elle s'est tuée en lui laissant une lettre qui explique tout. Elle est un agent double qui a arrangé son enlèvement avec Le Chiffre. Désespéré, l'espion retrouve tout de même le contrôle de lui-même et la qualifie de "garce" à ses employeurs. Mais Bond est moins dur qu'il ne le prétend. Des années plus tard dans "Les diamants sont éternels", il se sent tout drôle lorsque Tiffany Case met le disque de "La vie en rose", chanson qu'il écoutait jadis avec Vesper...

Mais la vie doit continuer. Et la seconde girl en date est plus exotique que la première. Il s'agit de Solitaire, fille de planteurs français ruinés qui devient prostituée à Haïti et voyante personnelle de Mr Big, l'adversaire de Bond dans "Vivre et laisser mourir". Bond tombe vite sous le charme de cette jeune fille élégante mais sensuelle avec laquelle il partagera, sa mission terminée, des vacances passionnées.
Solitaire tombe tout de suite folle de lui, contrairement à Gala Brand, héroïne plus prudente de  "Moonraker".  Car cette jeune femme qui travaille à la base où Bond doit enquêter est fiancée et le qualifie d'abord de "jeune fat comme il y en a tellement dans les Services Secrets". Il gagne pourtant rapidement ses faveurs tandis qu'elle lui dévoile un corps superbe. Cela dit, Gala est la seule amie de James Bond à le quitter alors qu'il aimerait bien qu'elle reste un peu. Le roman se termine sur une séparation douce-amère. Bond se console rapidement avec Tiffany Case, jeune femme qui travaille pour les gangsters qui font la loi dans "Les diamants sont éternels". Légèrement plus âgée que ses consoeurs, Tiffany a aussi davantage vécue et elle donne tout de suite à Bond l'impression d'une femme décidée, mystérieuse et secrètement blessée. Leur affaire durera jusqu'au début de "Bons baisers de Russie" où James avoue à "M" que leur passion a perdu de son allant et que cette "belle fille mais un peu névrosée" le quitte d'un commun accord pour épouser un major américain. Pas grave ! Car "M" attend de son agent de séduire la jeune espionne russe Tatiana, qui a un profil à la Greta Garbo et peut-être un Lektor pour les Services anglais. Tatiana est une des plus attachantes James Bond Girl de tous les temps. Fleming nous fait partager un peu de sa vie quotidienne à Moscou, de ses espoirs professionnels et ses histoires sentimentales. Manipulée par la repoussante Rosa Klebb du SMERSH, la jeune fille est obligée de tendre un piège à Bond mais sans se rendre compte de la gravité de celui-ci. Elle vit sur son petit nuage jusqu'à ce que les choses s'enveniment. Dans l'adaptation cinématographique, c'est pourtant elle qui tue Klebb alors que James Bond était très mal en point.

Si "Les diamants sont éternels", ce n'est décidément pas le cas des aventures de Bond. Et le sort de Tatiana, son aventure terminée, n'est pas précisé par son ancien amant. A peine sorti de l'hôpital, suite aux blessures infligées par Klebb, James se retrouve plongé dans une mission qu'il considère comme une mise au placard : "Dr No". Il retourne pour l'occasion à la Jamaïque, où le souvenir de Solitaire l'effleure un temps, avant qu'il ne fasse la connaissance de Honeychile "Honey" Rider. Jeune femme naturelle et rieuse dans la lignée de Tatiana, Honey est sans conteste la plus célèbre conquête de Bond : son apparition hors des vagues en bikini a pris pour tous l'image mythique de la jeune Ursula Andress, qui l'interprète dans le film de Terence Young. Honey a été violentée jadis par un homme qui a abusé de sa pauvreté. Elle l'a tué en mettant une mante religieuse dans son lit. Bond ne manquera pas d'être déconcerté par cette héroïne ingénue et maligne, qui lui saute dessus au sortir de la douche et connaît les animaux de Crab Key beaucoup mieux que le diabolique Dr No. Ils connaissent une passion brève mais ardente et Honey rejoint le rang de Gala, Solitaire et Tiffany : elle quitte le sensuel agent secret pour un mari plus réaliste.

"Goldfinger" est une étape particulièrement bizarre dans la vie sentimentale de James Bond. Il y rencontre trois filles, aussi ravissantes les unes que les autres mais qui connaîtront des destins bien compliqués. La première, Jill Masterson, est une petite chose ravissante et naturelle. Elle est très vite séduite par l'agent qui enquête sur son employeur Goldfinger et passe avec lui une nuit dans un train qui débouche sur une séparation amicale. Mais le mal est fait. Pour se venger, Goldfinger la tue en recouvrant son corps de peinture dorée, ce qui entraîne, d'après Fleming, un étouffement respiratoire. La seconde, Tilly Masterson, n'est autre que la soeur de Jill. Elle aussi est jeune et belle mais Bond ne l'intéresse pas. Elle est décidée surtout à venger la mort de Jill et, au cours de leurs aventures, l'espion découvre qu'elle est lesbienne. Avec son machisme habituel, James Bond la qualifie de "d'une de ces filles qui souffrent d'un dérèglement hormonal". Faut-il en conclure que seules les homosexuelles peuvent résister au charme de notre héros ? Même pas ! Car il attire vite l'attention de la lesbienne Pussy Galore, jeune femme d'une trentaine d'années, ancienne trapéziste devenue chef d'une organisation criminelle. Pussy est le seul espoir de Bond pour vaincre les plans machiavéliques de Goldfinger, décidé à envahir Fort Knox. Elle ne le décevra pas, ce qui donnera lieu à l'happy end le plus abrupt et quasiment grotesque de toute la carrière de Fleming. Le revirement de l'héroïne est d'autant plus décevant qu'elle constituait au début l'image d'une forte femme assez intrigante. Elle est interprétée à l'écran par Honor Blackman, une vétérante de la série "Chapeaux melons et bottes de cuir".

La suite au prochain numéro.




mercredi 14 septembre 2011

Notre agent à la Havane (1959)

Après mon absence de dix jours sur le blog, je reprends aujourd'hui le clavier (à défaut de la plume) afin d'attirer votre attention sur un petit film assez méconnu de Carol Reed : "Notre agent à la Havane". Adapté d'une oeuvre du romancier Graham Greene (tel le plus célèbre "Troisième Homme"), ce film raconte l'histoire d'un espion mythomane qui abuse de la confiance des Services Secrets Britanniques sur les agissements soviétiques à la Havane. Il aurait pu facilement tourner au drame. Or, c'est une comédie. Parce que l'espion en question est un modeste vendeur d'aspirateurs, dépassé par les exigences financières de sa fille adolescente et que ceux qui l'engagent ne sont pas des gens beaucoup plus sérieux...


Commençons par le commencement : James Wormold (Alec Guinness) est un veuf anglais encore jeune qui coule une vie paisible, quoique un peu excentrique, à la Havane où il vend des aspirateurs. Sa fille Milly (Jo Morrow), une adolescente aussi pieuse que délurée lui donne bien du souci, autant par ses demandes extravagantes que par les prétendants qu'elle attire, à l'exemple du pince-sans-rire capitaine Segura (Ernie Kovacs) qui fait la loi dans la ville. Contacté par un agent anglais, Hawthorne (Noel Coward), Wormold se retrouve soudainement dans la position d'un informateur pour le MI6. Le problème est qu'il ne parvient pas à engager d'espions ou à dénicher le moindre secret. Afin de continuer à recevoir son salaire, il se décide à inventer les intrigues que tout le monde est si anxieux de le voir découvrir. James se retrouve bientôt à la tête d'un réseau imaginaire et attire l'attention de Londres sur des constructions suspectes dans les montagnes, qui sont en réalité des dessins obtenus en copiant le plan d'un aspirateur. Le MI6 dépêche une séduisante secrétaire, Beatrice Severn (Maureen O'Hara), pour lui venir en aide. Notre agent à la Havane ne va tarder à se trouver dépassé par les événements. D'autant que les soviétiques, croyant eux aussi qu'il a trouvé quelque chose, veulent sa mort...

Graham Greene avait rangé son roman dans la catégorie des "divertissements" à l'opposé du "Facteur humain"(1978) de facture plus sérieuse. Cependant, on peut se rallier à l'opinion de John le Carré qui qualifie ce classement d'un peu facile. En effet, si le ton général de ce livre et de son adaptation au cinéma est indéniablement comique, les thèmes qu'ils soulèvent n'en sont pas moins graves et portent, entre deux rires, à la réflexion. Ce que montre "Notre agent à la Havane", c'est le ridicule des engrenages de l'espionnage, la crédulité et la vanité de ses participants. Les actes de Wormold reçoivent la confiance et les félicitations de ses supérieurs. Plus il ment, plus on le croit. Or, ses inventions sont surtout une vision déformée et idéalisée de la réalité (tel son recrutement imaginaire d'agents), une tentative d'élever la vie au rang de la fiction car c'est précisément ce que lui demande le Service. Le héros reste pourtant sympathique jusqu'au bout, par son dévouement envers sa fille et la secrétaire dont il ne tarde pas à tomber amoureux. Son seul but est de gagner l'argent que le MI6 jette par les fenêtres avec autant de bonne volonté. Il est entouré par une galerie d'excentriques : son meilleur ami est un docteur allemand, Hasselbacher (Burl Ives, surprenant), fasciné par des expériences bizarres; les espions anglais sont des étourdis qui se conduisent comme dans une histoire de James Bond : le chef, "C" (Ralph Richardson), est incapable de lire une carte. Cependant, la gravité et l'ambiguïté sont bien présentes dans cette comédie loufoque. L'histoire de Wormold entraîne des morts bien réelles, y compris celle de son meilleur ami, et il doit se défendre en tuant un ennemi qui n'est même pas vraiment antipathique, Hubert Carter. Temps de quitter le navire ! James quitte la Havane en compagnie de Milly et de Beatrice. Le happy end qu'il reçoit à Londres est plus ironique que naïf : les autorités du Service ont réalisé qu'il était plus dangereux d'avouer leur propre crédulité que de laisser les mensonges de leur ex-agent impunis. Wormold se retrouve donc libre, payé et décoré pour des services qu'il n'a jamais rendus et qu'il accepte avec joie. 

L'un des aspects les plus attachants de ce film atypique réside dans son ambiance déjantée, tour à tour légère et noire mais toujours très rythmée. Invité à un banquet des représentants d'aspirateurs à la Havane, Wormold doit ainsi faire un discours tout en étant menacé de mort, car il sait que ses ennemis ont empoisonné son plat. Plus tard, il se débarrasse du capitaine Segura en le soûlant au terme d'une partie d'échecs où les pions font figure de mini bouteilles d'alcool. Mais il y a aussi la performance excellente d'Alec Guinness en homme affable et distrait qui devient un espion menteur sans jamais perdre sa bonne humeur et son esprit pratique. Il est bien entouré par la jolie Maureen O'Hara, le très bon Ernie Kovacs et le toujours réjouissant Noel Coward. Milly, jouée par Jo Morrow, avait été critiquée avec fureur par Graham Greene : elle est pourtant très amusante. Donc un très bon film à découvrir, collaboration épatante de Greene et Reed, et une des meilleurs productions des studios Ealing. John le Carré en reprit l'idée originale pour son roman "Le tailleur de Panama" où un tailleur raconte des histoires dangereuses au MI6. Mais l'humour de la première partie disparaît pour le drame et on ne retrouve pas la légèreté ironique dont savait faire preuve Greene. Dans une littérature qui a su si souvent montrer les faux semblants et les bizarreries du monde gris de l'espionnage, on aurait bien besoin d'autres agents à la Havane.

vendredi 2 septembre 2011

Les traîtres - du réel au roman

Parmi les thèmes les plus exploités de la fiction d'espionnage, la trahison occupe toujours une place de choix. La faute en revient peut-être à ces cinq autorités du Service Secret Britannique, démasqués dans les années 60-70 pour être en réalité des agents doubles soviétiques : Kim Philby, Donald Maclean, Guy Burgess, Anthony Blunt et John Cairncross. Surnommés les "Cinq de Cambridge" à cause de leur recrutement dans les années 30 au sein de cette célèbre université, ils représentent une époque de méfiance et de désillusion : comment des échelons pareils du système britannique ont-ils pu décider de passer à l'Est ? La littérature et le cinéma n'ont pas cessé de se le demander...
                          

                      

Il est d'abord intéressant de signaler que dans le "monde" de Ian Fleming, les traîtres britanniques ou américains sont une espèce inconnue. Jamais il ne viendrait à l'idée de Bond ou de ses collègues de changer de camp ou d'en servir deux à la fois. Leur loyauté est inébranlable, même quand ils font face à la mort - sauf cela dit dans le cas extrême de "On ne vit que deux fois" où, comme je l'ai dit dans mon précédent billet, James est récupéré par le KGB. Mais il est alors dans un état critique, amnésique et manipulé. En revanche, de l'autre côté du rideau de fer, il n'est pas rare de rencontrer des défections, comme celle de Tatiana dans "Bons Baisers de Russie". Faut-il croire pour autant que, dans la période pré-Philby, une trahison au sein du MI6 était inimaginable ? Chez Fleming, peut-être. Mais Alfred Hitchcock, dans ses thrillers d'espionnage, en propose déjà plusieurs. Il y a les "Quatre de l'espionnage" (1936) adapté des nouvelles de Somerset Maugham qui met en scène un traître potentiel, assassiné par le MI6 et, après que son innocence ait éclaté au grand jour, le vrai traître de l'histoire : un anglais charmant et cynique. "Correspondant 17" (1940), dont l'action prend place au tout début de la guerre, présente un traître plus complexe et tragique : Stephen Fisher, directeur d'une association pacifiste, en vérité allemand immigré recruté des années auparavant. Son suicide final tranche avec le ton plutôt comique de ce petit chef-d'oeuvre du maître. Enfin, Mankiewicz dans "L'affaire Cicéron" (1952) adapte l'histoire vraie d'un butler albanais, qui, durant la Seconde Guerre Mondiale, dérobait les papiers de son maître, haut diplomate anglais, pour les refiler aux allemands. Le traître est alors dépourvu de scrupule mais non de motivations : il sert le camp qui le paie et non une idéologie précise.

Cependant, Philby a eu une empreinte indéniable sur la culture d'espionnage. Le portrait romanesque le plus célèbre et intrigant qui en a été tiré est signé John Le Carré - il s'agit de Bill Haydon dans le roman "La Taupe" (1974). Créant au passage le terme de "taupe" qui sera réutilisé par les Services Secrets eux-mêmes pour désigner un traître, Le Carré dessine une personnalité insaisissable et charismatique, celle d'un gentleman anglais pur jus, séduisant et séducteur. Pourtant, Bill, ce pilier du MI6 a trahi. Et non seulement son pays et son métier mais aussi son meilleur ami et collègue, Jim Prideaux. Pourquoi ? Dans l'épilogue du roman, le traître expose ses raisons au héros George Smiley, qui l'a démasqué. Il a été recruté, comme Philby, par les Services Soviétiques alors qu'il était à l'université. C'est sa déception devant la situation médiocre de l'Angleterre d'après-guerre et sa haine d'une Amérique matérialiste qui l'ont conduit peu à peu à une trahison de plus en plus totale. Contrairement à son modèle historique, Haydon ne passe pas à l'Est comme il est assassiné par Prideaux. Mais, les points communs entre les deux personnages demeurent frappants : John Le Carré y exprime son mépris teinté de compréhension à l'égard du traître, et sa lucidité vis à vis du mystère qui plane toujours sur les motifs de Philby/Haydon : Smiley compare ainsi la psychologie de son ancien collègue à une suite de poupées russes dont il n'aura jamais réussi à voir la dernière. Dans l'univers romanesque de Le Carré, la trahison de Bill est vue comme un scandale, un pas de plus dans l'effondrement des valeurs du Service. Le personnage est interprété dans la série de la BBC par le vétéran Ian Richardson (voir photo) et, dans le film qui sort cet automne, par Colin Firth.

Autre visage "philbyen" : Maurice Castle dans le roman de Graham Greene, "Le facteur humain" (1978). Greene a dénié s'être inspiré de Kim Philby pour son roman mais sa fascination pour le personnage (avec lequel il a entretenu une correspondance) autorise à imaginer une certaine influence : Castle est un bureaucrate entre deux âges, travaillant au MI6 depuis des années. Son caractère tranquille et introvertie, sa réputation scrupuleuse abusent tous ceux qui pourraient le considérer comme un traître. Pourtant, il collabore avec l'U.R.S.S. depuis qu'un Service Communiste a aidé sa jeune épouse à quitter l'Afrique. Maurice Castle est présenté comme un homme beaucoup plus sympathique que Bill Haydon. Il est moins loyal à son Service qu'à la femme qu'il aime et à son enfant qu'il a élevé comme son propre fils. Graham Greene fait d'ailleurs du MI6 un portrait qui fait froid dans le dos : le chef, "C", a ses côtés sympathiques mais le docteur mandaté de tuer le traître (qui d'ailleurs se trompe d'homme) exécute son travail sans aucun état d'âme. A la fin du roman, Maurice a pris refuge en U.R.S.S. où il espère que sa famille le rejoindra. Devant l'indignation de sa belle-mère, sa jeune épouse défend sa position et son intégrité morale.

Troisième visage : Magnus Pym, le héros d'"Un pur espion"(1986), autre roman de John Le Carré. Le traître est cette fois moins charmant et plus fragile qu'Haydon. Sa position est d'autant plus ambivalente que Le Carré lui attribue une histoire qui ressemble beaucoup à la sienne : même enfance chamboulée et solitaire, même père flamboyant et mythomane, même passion d'adolescence pour la culture germaniste et la Suisse... Dans un documentaire, Le Carré reconnaît que lui et Philby (qui a détruit sa couverture avec celle de nombreux autres agents lorsque l'auteur travaillait pour les Services) avaient en commun un père écrasant et impossible. Il ajoute que si son caractère avait été différent il aurait pu, comme lui, devenir un traître. Magnus Pym est le résultat de ces motivations complexes. Diplomate brillant, espion depuis des années, il disparaît peu après la mort de son père, Rick, pour se réfugier dans une petite pension de famille où il rédige ses mémoires afin de tout expliquer à ceux qui l'ont si mal connu... Si Pym devient un agent double (cette fois pour la Tchécoslovaquie) c'est à cause d'une amitié profonde avec Axel, son homologue tchèque. Lui qui s'était toujours senti rejeté et exclu se jette à corps perdu dans les deux causes qui nécessitent ses talents : il est un agent double, un pur espion parce que tout à fait malléable par celui qui l'emploie. Mais sa fin est aussi tragique que celle d'Haydon : il se suicide, incapable de faire la paix avec son passé.

Le mot de la fin revient à Le Carré, cette fois dans le roman "Les gens de Smiley"(1979) : "Messieurs, je vous ai tout les deux bien servis, dit le parfait agent double au crépuscule de sa vie. Et il le dit avec orgueil, aussi, songea Smiley, qui en avait connu un bon nombre."

jeudi 1 septembre 2011

James Bond et "M"

La mythologie des James Bond déborde de personnages récurrents, jouant un rôle pivot dans la vie de notre agent secret irréaliste favori. Parmi ceux-ci, on pense tout de suite à "M", le chef taciturne du MI6 : à la fois modèle, mentor et, parfois, antagoniste de James. Le sujet du jour sera d'examiner un peu les rapports entre ces deux personnages, plus complexes qu'ils n'y paraissent au premier abord...



Pour commencer, quelques mots sur "M" lui-même. De son vrai nom Miles Messervy, il s'agit d'un amiral à la retraite affilié à la fin de sa carrière militaire à la tête de ce que James Bond nomme, selon le code en vigueur, l'Universal Export. Aucun de ses proches n'est au courant de sa position au centre des Services Secret. D'ailleurs, il n'a pas vraiment de vie privée et vit seul dans un château à la campagne (où James Bond dans "Au Service Secret de Sa Majesté" passe un des Noël les plus sinistres de sa vie). "M" est un personnage décidément mystérieux. Avec lui, Ian Fleming crée le type du maître espion taciturne, quasi anonyme ("C" chez Graham Greene en constitue une variation plutôt cocasse). Cela dit, c'est un homme d'une grande autorité, farouchement patriote et d'une pudeur victorienne. Ses collègues, Bill Tanner et la secrétaire, Miss Moneypenny, sont souvent les victimes de son caractère haut en couleurs même si cette dernière affirme qu'il dissimule un coeur d'or. 

"M" n'apparaît pas à proprement parler dans la première aventure de Bond, "Casino Royale". Il est plus un prologue qu'un personnage. En revanche, dès "Vivre et laisser mourir", son tempérament se dessine. La confrontation entre le maître et son agent devient un rituel obligé de chacune des aventures. Au fil de celles-ci, "M" projette surtout une image d'autorité omnisciente vis-à-vis de Bond. Pour cet agent orphelin et obéissant, il est à la fois le symbole du père et de la patrie que le "fils spirituel" respecte et admire tout en se moquant gentiment de lui. "M", de son côté, ne laisse jamais trahir sa (possible ?) affection à l'égard de 007. Il ne se lasse pas de désapprouver son imprudence (voir la scène du beretta dans "James Bond contre Docteur No") et de déplorer ses nombreuses aventures féminines : même si dans "Bons Baisers de Russie" il demande explicitement à son agent de "jouer le gigolo pour l'Angleterre".  Ses remerciements sont du genre lapidaire mais ils n'en ont que plus de valeur pour les heureux élus qui les reçoivent. C'est dans "Moonraker" que leurs relations sont les plus harmonieuses : "M" y invite James à son Club très select, les Blades, où ils partagent un repas gastronomique avant d'essayer de démasquer l'homme d'affaires Hugo Drax. A la fin de l'aventure, "M" fait envoyer un nouveau beretta à son agent accompagné d'un mot écrit à l'encre verte (sa signature habituelle) "Vous pourriez en avoir besoin". Pour le meilleur et pour le pire, James Bond et "M" sont indissociables et complémentaires. Le premier obéit au second même quand il n'en a aucune envie mais ne se prive pas de lui casser du sucre sur le dos et d'envisager de démissionner. Comme il le fait observer à une de ses conquêtes, Tiffany Case dans "Les Diamants sont éternels", James n'envisage pas le mariage parce qu'il est, en quelque sorte, marié à "M".

A partir de "James Bond contre Docteur No", les rapports entre l'agent secret et son patron commencent à tourner vinaigre. "M" est ulcéré par l'obstination de James à utiliser le beretta (qu'il lui a pourtant offert et qu'il juge maintenant inefficace) et, en retour, 007 considère la mission qu'on lui a assigné à la Jamaïque comme des vacances forcées. Dans "Goldfinger", "M" sera furieux contre son agent pour avoir eu des relations imprudentes avec Jill, la petite amie d'Auric Goldfinger. Et dans "Opération Tonnerre", il l'enverra quasiment de force dans une maison spécialisée pour se refaire une santé, quelque peu endommagée par l'alcool, le tabac et les aventures. Néanmoins, leur véritable rupture ne deviendra explicite que dans "On ne vit que deux fois". Inconsolable après la mort de son épouse Tracy, quelques jours à peine après leur mariage, James Bond est à la dérive et ne se satisfait plus de son travail au sein du MI6. Pour la première fois, "M" n'est pas vraiment capable de secouer le jeune homme et de le remettre dans le droit chemin. En désespoir de cause, il l'envoie au Japon où James Bond fera face à une des missions les plus bizarres de sa carrière. La collaboration "M"-Bond connaîtra un dénouement inattendu : devenu amnésique après le Japon, James erre en U.R.S.S. où il est reconnu et récupéré par le KGB. Après avoir subi un lavage de cerveau, on l'envoie à Londres dans le but de tuer "M" ("L'homme au pistolet d'or"). Avec son flegme habituel, "M" évite l'agression mais sa compassion pour celui qui était autrefois son meilleur agent ne l'empêche pas de le déclarer irrécupérable. Malgré l'indignation de Bill Tanner qui le traite de "vieux coeur de pierre", "M" envoie Bond dans une mission-suicide contre l'aventurier gangster Scaramanga. L'idée est que Bond réussisse où tant d'autres ont échoués ou bien qu'il termine sa carrière par une mort glorieuse. Fleming laisse entendre une certaine déception de la part de "M" : son protégé et bras droit n'est plus qu'une loque. Il veut lui faire retrouver sa dignité même si ça signifie la mort.

L'happy end est au programme de cette dernière et décousue aventure de James Bond. Bien sûr, l'agent réussira avec succès à éliminer son nouvel adversaire et il retrouvera au passage l'enthousiasme et la vigueur dont son veuvage l'avait diminué. Blessé mais bien vivant, James reçoit des preuves concrètes de sa réconciliation avec "M" et le Service : des félicitations plus chaleureuses que d'habitude et le titre de chevalier. James Bond feint l'indifférence mais son émotion est évidente : "Pourquoi doit-il toujours signer "Messager" au lieu de "M" ?...Je crois finalement qu'il est aussi romantique que tous les crétins qui ont quelque chose à voir, de loin ou de près avec le Service." Aussi romantique que Bond lui-même alors. Ou peut-être que Fleming.


mercredi 31 août 2011

Mata Hari - mythe et réalité

Le 15 Août 1917, à Vincennes, une danseuse de quarante et un ans est fusillée par les forces de l'Ordre françaises. Son nom : Margaretha Geertruida Zelle, mais elle est plus connue sous le surnom de Mata Hari. Son crime : des activités d'espionnage au profit des allemands comme des français. Son destin : devenir un mythe, celui de la séduction au service des Services Secrets, un mythe des plus romanesques, condamné d'ailleurs à s'écarter de plus en plus de ses sources réelles. Il apparaît, en effet, que Mata Hari, loin d'être une espionne géniale, n'a transmis que très peu d'informations valables à ses divers employeurs. En revanche, ses talents de danseuse exotique et son charme l'ont prédestinée à une carrière durable dans la littérature et le cinéma. Examinons un peu ce phénomène...



C'est en 1931 qu'a lieu la première adaptation des aventures de Mata Hari sur grand écran : "Mata Hari" de George Fitzmaurice. Le casting comporte Lionel Barrymore, Ramon Novarro et, dans le rôle de la célèbre espionne, rien de moins que Greta Garbo ! Fiction oblige, la Mata Hari de ce film n'a pas grand-chose à voir avec la danseuse fusillée à Vincennes : rajeunie, elle devient un agent secret très efficace (les renseignements qu'elle extorque de ses amants, joués par Barrymore et Novarro, sont clamés d'importance vitale) et, aussi, une femme sympathique, touchée par la grâce peu avant sa mort. La performance de Garbo est le vrai grand intérêt de ce film mélodramatique et peu convaincant et elle montre à quel point la Divine était capable de transcender les scénarios les plus hasardeux. L'accent mexicain de Novarro et son âge avancé défient quiconque essayerait de croire à son personnage de jeune russe naïf. Celui de Mata Hari n'est pas beaucoup plus intéressant d'un point de vue psychologique mais c'est Garbo qui le joue et elle est, comme toujours, fascinante - à noter que la séquence de "danse exotique" dans le cabaret fut bien abrégée par la censure.

La même année, un autre film sort en salles qui raconte aussi l'histoire tragique d'une séduisante espionne : "Agent X27" de Josef Sternberg. La parenté de Mata Hari n'est jamais mentionnée par le scénario mais elle apparaît néanmoins évidente : certes, X27 est un agent loyale à son Autriche natale et non un agent double, certes, elle est présentée sous une lumière plus aimable et plus humaine que Mata Hari dans le film précédent. Il y a cependant toujours l'idée de servir les Services avec ses charmes (ce que lui reproche d'ailleurs amèrement le personnage de Victor McLaglen) et la fusillade finale : cette fois parce que la jolie espionne a laissé échapper l'adversaire par amour. De plus, le choix de Marlene Dietrich dans le rôle principal accentue encore l'influence du film précédent. Par moments aussi bizarre et difficile à croire que le "Mata Hari" de Greta Garbo, "Agent X27" est néanmoins une oeuvre beaucoup plus intrigante et intéressante. On y reconnaît la "patte" de Sternberg, son goût pour les plans audacieux, son inventivité, son ironie qui semble parfois teintée d'autodérision. McLaglen n'est pas plus russe que Novarro mais sa brutalité gouailleuse ne détonne pas tellement dans un mélange aussi étonnant. Scènes à remarquer : le recrutement atypique de l'espionne, alors une jeune et fataliste prostituée; le déguisement de Dietrich en une paysanne un peu sotte lors d'une mission en Russie; le dénouement où sous les cris de révolte d'un jeune officier, incapable de faire fusiller une femme, Marlene rectifie nonchalamment son rouge à lèvres... Ce serait donc étrangement dans un film bien éloigné des faits de base que l'histoire de Mata Hari trouverait son adaptation la plus satisfaisante, d'un point de vue bien sûr purement romanesque.

Derniers feux : "Mata Hari, agent H21" de Jean-Louis Richard en 1964. Cette nouvelle moulure qui fait explicitement allusion aux deux films précédents par son titre, reprend les faits les plus connus de la vie de l'espionne avec une certaine fidélité à la réalité. Mata Hari est cette fois jouée par Jeanne Moreau et l'ambiance est plutôt drôle et mélancolique, une sorte d'hommage ironique au mythe. Les dialogues sont signés François Truffaut. 
En 1967, "Casino Royale", la parodie délirante de James Bond réalisée par John Huston, convoque une dernière fois Mata sur le grand écran. Cette fois, c'est pour avoir été le grand amour de Bond durant la Première Guerre Mondiale (!) avant qu'il ne la conduise au champ d'exécution. L'autodérision est franchement de mise même si James Bond, vieillissant (joué par David Niven), égratigne le mythe en affirmant que son ancienne amante était une "formidable petite danseuse, espionne atroce". L'intervention de la fille naturelle de l'espionne, Mata Bond (Joanna Pettet) en costume de danse exotique ajoute à l'humour de l'action. 

Encore une fois, la fiction dépasse et corrige la réalité : on n'a jamais vu une carrière d'espionnage aussi décevante glorifiée à ce point par des scénarios inventifs. Mais alors, il fallait compter sur le prestige de Mata Hari en tant que personnage : espionne, amante, danseuse, victime, traître...il n'y avait qu'elle, semble-t-il, pour endosser tous ces visages...

lundi 29 août 2011

L'Espion qui venait du froid (1965) de Martin Ritt

Le film commence à Berlin, à la frontière Ouest. Tandis que le générique décline les noms des acteurs et de l'équipe, la caméra se déplace sur un pont couvert de neige. Un prélude de piano résonne. Ambiance très calme, qui peut étonner dans ce qui est considéré comme un must du film d'espionnage. Mais la menace plane. Elle éclate brutalement avec la mort d'un agent anglais qui était censé traverser la frontière pour rejoindre ses supérieurs. Et le visage du héros, l'espion Leamas (Richard Burton) reflète une lassitude infinie. Ainsi commence le film dont je vais vous entretenir aujourd'hui : "L'espion qui venait du froid".



Adapter un roman de John le Carré n'est pas une tâche aisée : ses oeuvres, riches et complexes, dépassent souvent le format d'un long-métrage (c'est d'ailleurs dans le cadre de mini-séries que deux de ses romans ont rencontré une adaptation quasi-parfaite, mais j'en reparlerai plus tard). Encore Martin Ritt devait-il travailler sur un roman de la première période de Le Carré, plus bref et concis que ses chefs-d'oeuvres de la maturité. L'histoire est celle d'Alec Leamas, espion anglais désabusé, qui a été à la tête de la station de Berlin-Ouest pendant neuf ans. Plusieurs de ses agents ayant été tués par Hans Dieter Mundt, le chef des Services Secrets d'Allemagne de l'Est, il est rapatrié à Londres où son chef, le diabolique "Control" lui fait part de plans particuliers à son égard. Leamas va faire semblant d'être mis au rencard et de plonger dans la dépression, afin de constituer aux yeux de l'Est, un traître potentiel à récupérer. Les secrets qu'il divulguera à l'adversaire jetteront le doute sur la loyauté de Mundt, en le faisant passer pour un agent double vendu à l'Angleterre. Leamas trouve un travail dans une bibliothèque où il rencontre Liz Gold, jeune femme communiste qui tombe amoureuse de lui. Il doit cependant cesser leur liaison après que des agents de l'autre côté aient enfin établi le contact. Notre héros part pour la Hollande où il est interrogé sur ses informations. Mais, soudain, la mission dérape : le MI6 a lancé un avis de recherche pour retrouver Alec. Inquiets, ses contacts décident de le passer à l'Est et Leamas, la mort dans l'âme et ne comprenant plus rien du tout, se retrouve de l'autre côté du rideau de fer. Il est accueilli par le second de Mundt, Fiedler, qui compte utiliser ses preuves pour renverser son supérieur. Malheureusement, Mundt fait arrêter les deux hommes et l'intervention inopinée de Liz va encore tout compliquer...

Histoire amère et aux antipodes d'une image glamour de l'espionnage, l'oeuvre de John le Carré a eu un impact profond sur ses contemporains. Graham Greene (un modèle de Le Carré) déclara d'ailleurs qu'il s'agissait de la meilleure histoire d'espionnage qu'il ait jamais lu. Mais comment traduire une telle histoire en termes cinématographiques ? Il paraît que le résultat ne parut pas satisfaisant aux yeux de Le Carré. C'est néanmoins un drame thriller bien ficelé et rythmé. Ritt nous guide avec une précision glaçante jusqu'à l'inéluctable et tragique conclusion. Le grand intérêt du film, en dehors d'un noir et blanc très réussi et d'un scénario à la fidélité honorable, réside dans la performance des acteurs : Richard Burton compose un Leamas douloureux, rogue et attachant. Je ne l'avais jamais vu dans autre chose que dans "Cléopâtre" où il était un peu écrasé entre Liz Taylor et Rex Harrison. Ici, ses dons d'acteurs ne font aucun doute et ne faiblissent à aucun moment du film. De même pour Oskar Werner, dans le rôle de Fiedler. Son personnage était plus présent dans le roman original mais Werner s'arrange très bien de ce qu'il a et correspond tout à fait à l'image, ambiguë mais émouvante de cet agent révolté. Claire Bloom est un peu âgée pour le rôle de Liz (renommé Nan, à cause de Liz Taylor d'après les rumeurs) mais elle est juvénile et touchante. Peter Van Eyck (Mundt) et Cyril Cusack (Control) font voir deux versants inhumains et glaçants de l'espionnage : le chef de la Station Berlin-Est et le boss du MI6 sont aussi dépourvus de sens moral que d'émotions. La seule grande faiblesse du film réside dans le cast de Rupert Davies dans le rôle de George Smiley. J'étais très excitée à l'idée de voir le tout premier Smiley de l'histoire du cinéma : non seulement il ne correspond pas du tout physiquement au célèbre maître espion, il ne fait pas non plus part des ambiguïtés du Smiley de l'époque. Son obéissance reluctante à l'égard de Control aurait pourtant été une intrigue secondaire ingénieuse. 

Je ne peux m'empêcher de vous faire partager mon admiration pour certaines séquences du film alors, on y va : la rencontre Leamas-Control, au début de l'action; la prise de contact de Leamas dans un bar où une danseuse se déshabille sans entrain; les scènes de la bibliothèque où l'absurdité du travail d'Alec apporte un peu d'humour bienvenu; la prise de conscience du héros qu'il est tombé dans un piège lorsqu'on l'amène à l'Est; les discussions entre Leamas et Fiedler; le procès de Mundt, muet, tandis que ses accusateurs deviennent des accusés sous le regard froid d'un jury; la confrontation Leamas-Nan alors qu'ils s'échappent de Berlin-Est et son fameux discours sur la nature de l'espion : "Pourquoi prends-tu les espions ? Pour des prêtres, des saints, des martyrs ? Non ! C'est un minable défilé d'imbéciles vaniteux, de traîtres aussi, oui." Dans un monde où il ne peut plus croire en rien, où il a été trahi par tous, Leamas choisit l'abandon et le suicide. Par amour ? Ou pour trouver refuge dans la mort et l'oubli ? En cela, les plans finals du film sont incroyablement mélancoliques : le calme est revenu, Mundt et Control continueront sans problèmes leur alliance secrète, les frontières sont brouillées mais Alec et Nan n'ont pas su traverser la leur...

dimanche 28 août 2011

Agatha Christie et l'Espionnage

Celle qu'on a surnommé la "grande dame du crime" est à juste titre davantage identifiée au domaine de la littérature policière qu'à celui des romans d'espionnage. Et pourtant, Agatha Christie, l'auteur de "Dix petits nègres", a mis, à quatre reprises au moins dans sa carrière, sa plume au service d'histoires d'agent secret. Penchons nous un peu sur ce visage méconnu d'Agatha...



La première fois que l'auteur passe la barrière du genre, c'est en compagnie de deux de ses héros les plus célèbres : Tommy et Tuppence Beresford. Ce couple excentrique et fantasque de détectives amateurs était mis en vedette de certains de ses premiers romans comme "L'homme au complet marron". Christie sonne leurs retrouvailles en plein milieu de la Seconde Guerre Mondiale. Les héros ont maintenant atteint la quarantaine et voient leur fils partir au front (comme le jeune époux de l'écrivain). "N ou M ?" voit Tommy Beresford refusé par le service de mobilisation et décidé cependant à ne pas subir passivement le conflit. Il se tourne alors vers le Service d'Espionnage qui l'envoie en mission secrète dans une pension de famille paisible à la campagne, dans le but de dénicher un espion étranger... Il ne se doute pas que Tuppence, déguisée, est sur ses talons. Agatha Christie compose un roman amusant et plutôt pittoresque. L'essentiel de l'action se passe à la pension de famille et est dépourvue de beaucoup de rebondissements. C'est un intermédiaire entre ses classiques whodunit et la trilogie intrigante que nous allons maintenant étudier...

On parle de trilogie comme François Rivière même si, en fait, les romans en question ne mettent pas du tout en scène les mêmes personnages. Il s'agit d'oeuvres assez bizarres, rejetant le réalisme mais pourvu néanmoins d'une certaine ironie qui en constitue les meilleurs passages. Agatha Christie n'était pas la "reine" de l'espionnage et elle n'a pas su créer un univers aussi marquant qu'un certain Ian Fleming. L'ensemble force pourtant la curiosité : "Rendez-vous à Bagdad" (1951) est un thriller agréable et plutôt tradi, qui évoque un peu les films d'Alfred Hitchcock. L'action est rythmé, les personnages jeunes et dynamiques et le décor, exotique à souhait. "Destination inconnue" (1954) commence sur les chapeaux de roue par une idée géniale : l'héroïne, jeune femme dépressive est convaincue par un espion de renoncer au suicide pour travailler pour lui. Elle devra prendre la place de l'épouse défunte d'un scientifique (peut-être ?) enlevé par les soviétiques.... Hélas ! La psychologie des personnages est vite sacrifiée, l'identité des "méchants" de l'histoire rendue de plus en plus confuse au profit de séquences angoissantes dans une base coupée du monde. Le chef de la base, leader charismatique et envoûtant fait dans le grand guignol et il est aussi peu convaincant que le happy end final.

"Passager pour Francfort" (1970) écrit seize ans plus tard manifeste du même mélange déconcertant d'ironie dérisoire et de naïveté. Il s'agit ici d'un lord anglais attiré malgré lui dans une intrigue d'espionnage, mais aussi d'une uchronie qui bascule quasiment dans la science-fiction : on apprend qu'Hitler ne serait pas mort à la fin de la Seconde Guerre, qu'une machine permet de diriger les cerveaux et que les jeunes de tous pays sont excités à la révolte et à l'avènement de ce qui ressemble à une nouvelle dictature fasciste... L'ensemble ne manque pas de piquant, une fois qu'on admet le second degré. Mais il devient de plus en plus difficile à suivre jusqu'à un épilogue en queue de poisson.

Étonnante Agatha ! Son apport à la littérature de l'espionnage mérite bien d'être redécouvert. Dommage qu'elle n'y ait pas fourni la verve et la profondeur cynique dont sont familiers les lecteurs des "Dix petits nègres" et du "Meurtre de Roger Ackroyd". Peut-être considérait-elle comme mineure et purement divertissante cette catégorie de son oeuvre ? Pourtant, Hercule Poirot en agent de la Couronne n'aurait pas manqué de séduire.

samedi 27 août 2011

James Bond avant James Bond

Le premier roman de James Bond que j'ai lu est aussi le premier écrit par Ian Fleming en 1953 : "Casino Royale". L'intrigue est moins amusante que l'adaptation groovy qu'en a donné John Huston au cinéma (et à laquelle je consacrerai plus tard un billet entier). En gros, c'est l'histoire de James Bond sommé par son patron M,  de gagner au baccara contre un membre du SMERSH, Le Chiffre, afin de couler les fonds de l'organisation soviétique. Bond joue et gagne. Mais, le kidnapping de sa collègue peu habile, Vesper Lynd, le fait tomber dans un piège. Il se retrouve dans les griffes du "Chiffre", méchant hautement sinistre, ce qui donne lieu à une des scènes de torture les plus gores de Fleming...

SPOILER :

James Bond s'en sort mais atterrit à l'hôpital où il reçoit les fréquentes visites de Vesper, dont il commence à tomber amoureux, et de son homologue français, l'inspecteur René Mathis. C'est dans cette partie du roman que Fleming donne à voir une facette de Bond d'autant plus intrigante que, comme le fera remarquer Umberto Eco dans une analyse du sujet, elle disparaît totalement dans la suite de la série : pour la première et la dernière fois, notre espion au visage cruel et brave, si souvent désigné par des romanciers plus réalistes tels John Le Carré et Graham Greene, comme une création stéréotypée et dépourvue de psychologie, pour la première fois, donc, (quelle longue phrase !) notre héros doute, se pose des questions et se demande si la cause pour laquelle il se bat en vaut vraiment la peine. Décidé à démissionner, il fait valoir de ses états d'âme à un Mathis stupéfait : "J'y ai réfléchi et je me demande de quel côté je dois me trouver. Je finis par m'apitoyer sur le sort du diable et de ses adeptes, comme le brave Le Chiffre...nous ne donnons pas sa chance au pauvre type. Il y a un livre sur le bien qui nous explique comment il faut faire pour être bon...mais il n'y a pas de livre sur le mal."

Malheureusement, Mathis, moins scrupuleux, va se dépêcher de conforter Bond dans la position manichéenne qu'il ne quittera plus guère durant le reste de sa carrière : "Maintenant, en ce qui concerne votre petit problème, qui consiste à ne pas savoir distinguer les bons des méchants ni les crapules des héros et ainsi de suite, il est certes difficile, en théorie. La réponse se trouve dans l'expérience personnelle..."

Toutefois, James persiste à démissionner et a épouser Vesper. Il lui faudra apprendre que sa fiancée est une agent double qui l'a jeté dans les bras du "Chiffre" pour revenir sur sa décision. Après le suicide de Vesper, Bond fait tout de même part d'une douleur réelle qui tranche avec ses habituels béguins romanesques; mais il repousse vite ses émotions pour considérer la situation d'un oeil froid. Son appel à M "La garce est morte" sonne le retour au combat et aux conceptions faciles à la Mathis. Dommage, il semblait que James Bond n'était pas loin de s'écarter des normes...

vendredi 26 août 2011

Bienvenue à Sarratt

Le moment est venu de commencer mon blog...alors, on y va ! Et merci à ceux qui sont là pour le lire. D'abord, quelques mots sur moi : je fais des études à Paris et j'ai depuis longtemps une passion à peine dissimulée pour le monde, gris et tragique, de l'Espionnage. Par ce Blog, je propose de partager mes réflexions sur des espions plus ou moins célèbres, plus ou moins fictifs mais qui mènent tous des vies vraiment difficiles et captivantes. Ça inclura des critiques de films, des analyses de romans et des études thématiques allant de Somerset Maugham à Robert Harris pour le plus grand plaisir de tous (ou tout du moins le mien).



 Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le jargon de John Le Carré : Sarratt constitue la "nursery"de l'espionnage où les apprentis agents secrets font leurs premiers pas. Je crois que j'ai terminé les miens et à bientôt pour un prochain billet !