samedi 27 août 2011

James Bond avant James Bond

Le premier roman de James Bond que j'ai lu est aussi le premier écrit par Ian Fleming en 1953 : "Casino Royale". L'intrigue est moins amusante que l'adaptation groovy qu'en a donné John Huston au cinéma (et à laquelle je consacrerai plus tard un billet entier). En gros, c'est l'histoire de James Bond sommé par son patron M,  de gagner au baccara contre un membre du SMERSH, Le Chiffre, afin de couler les fonds de l'organisation soviétique. Bond joue et gagne. Mais, le kidnapping de sa collègue peu habile, Vesper Lynd, le fait tomber dans un piège. Il se retrouve dans les griffes du "Chiffre", méchant hautement sinistre, ce qui donne lieu à une des scènes de torture les plus gores de Fleming...

SPOILER :

James Bond s'en sort mais atterrit à l'hôpital où il reçoit les fréquentes visites de Vesper, dont il commence à tomber amoureux, et de son homologue français, l'inspecteur René Mathis. C'est dans cette partie du roman que Fleming donne à voir une facette de Bond d'autant plus intrigante que, comme le fera remarquer Umberto Eco dans une analyse du sujet, elle disparaît totalement dans la suite de la série : pour la première et la dernière fois, notre espion au visage cruel et brave, si souvent désigné par des romanciers plus réalistes tels John Le Carré et Graham Greene, comme une création stéréotypée et dépourvue de psychologie, pour la première fois, donc, (quelle longue phrase !) notre héros doute, se pose des questions et se demande si la cause pour laquelle il se bat en vaut vraiment la peine. Décidé à démissionner, il fait valoir de ses états d'âme à un Mathis stupéfait : "J'y ai réfléchi et je me demande de quel côté je dois me trouver. Je finis par m'apitoyer sur le sort du diable et de ses adeptes, comme le brave Le Chiffre...nous ne donnons pas sa chance au pauvre type. Il y a un livre sur le bien qui nous explique comment il faut faire pour être bon...mais il n'y a pas de livre sur le mal."

Malheureusement, Mathis, moins scrupuleux, va se dépêcher de conforter Bond dans la position manichéenne qu'il ne quittera plus guère durant le reste de sa carrière : "Maintenant, en ce qui concerne votre petit problème, qui consiste à ne pas savoir distinguer les bons des méchants ni les crapules des héros et ainsi de suite, il est certes difficile, en théorie. La réponse se trouve dans l'expérience personnelle..."

Toutefois, James persiste à démissionner et a épouser Vesper. Il lui faudra apprendre que sa fiancée est une agent double qui l'a jeté dans les bras du "Chiffre" pour revenir sur sa décision. Après le suicide de Vesper, Bond fait tout de même part d'une douleur réelle qui tranche avec ses habituels béguins romanesques; mais il repousse vite ses émotions pour considérer la situation d'un oeil froid. Son appel à M "La garce est morte" sonne le retour au combat et aux conceptions faciles à la Mathis. Dommage, il semblait que James Bond n'était pas loin de s'écarter des normes...

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